Une joie qui questionne (30 septembre 2011)

Nouvelles des mois de juillet, août et septembre 2011

Ces trois mois ont été plus habités par la joie, une joie questionnée par un prêtre rwandais, fidei donum dans le diocèse de Créteil, lors de la rencontre des responsables de secteur du diocèse à laquelle j’avais été invité :

–     « Quand tu décris la situation catastrophique de Madagascar, d’où te vient cette joie ? »

Je garde la question et ne souhaite pas y répondre trop vite, même s’il n’y a pas de doute qu’il y a une joie à pouvoir être à la mission reçue au milieu des plus pauvres. Mais je garde cette même question devant la joie des gens d’ici que symbolise la photo de cette fillette en haillons toute joyeuse en montrant ses deux « poupées » en herbe.

La souffrance reste très présente, comme celle ressentie ce lundi 26 septembre, en allant reconduire un homme de 40 ans, père de sept enfants, pour qu’il puisse mourir chez lui. J’avais été appelé pour lui donner le sacrement des malades dimanche après la messe. Il est mort ce mardi dans la pauvreté la plus totale et ressemblant aux personnes des camps de concentration. S’il n’avait quasiment plus la force de parler, je reste étonné par la bonté de son regard, les quelques mots échangés, la force de sa prière, de son accueil, l’amour de ceux qui l’entouraient.

La situation politique ne s’améliore pas. S’il y a eu la signature d’une « énième feuille de route », nous restons manifestement dans un jeu de poker menteur, et, à peine l’accord signé, chacun diverge sur l’exégèse du texte, et les 4 derniers présidents dont l’actuel, s’entredéchirent pendant que le pays plonge.

Les pistes du district de Befeta sont dans un état qui a empiré, si c’est possible, et les ponts sont de nouveau avec des planches arrachées pour faire du charbon de bois ou pour un autre motif qui m’échappe. Il ne reste pas beaucoup d’espace sur la paroisse qui n’ait pas été brûlé volontairement malgré toutes les campagnes de sensibilisation contre le fléau des feux de brousse et l’air est souvent difficilement respirable du fait des fumées.

Je reste étonné par le pincement de cœur que j’ai pu ressentir en quittant Befeta, début juillet. Je partais animer la retraite des prêtres demandant à rentrer au Prado et participer à la rencontre nationale à Antsirabe avant d’animer la retraite des prêtres du diocèse d’Ambanja à Diego, puis de venir en France.

J’ai été très heureux de retrouver ma famille, quelques amis, mon diocèse. J’ai beaucoup apprécié les partages avec les responsables de secteur ou dans la paroisse de Coeuilly, ou encore le passage au Prado à Lyon. Je me suis régalé en retrouvant la cuisine française et des conditions de vie plus facile.

Mais j’ai été étonné de ce pincement au coeur en quittant Befeta et de la joie d’y revenir. Si je ne maîtrise pas encore la langue, loin de là, j’arrive de plus en plus à communiquer et je me réjouis de sentir que Befeta, Fianarantsoa, et plus largement Madagascar, sont déjà devenus un peu « mon pays ».

Quelques flashes sur ces trois derniers mois :

Juillet 2011 :

–     du 23 au 25 juillet, retraite avec 6 prêtres en « Première Formation », accompagnée avec Bernard Petit Dutaillis, prêtre français incardiné à Fianarantsoa et vrai grand frère pour moi. Joie d’un partage profond sur le thème « faire avec l’Esprit de Dieu » et à partir de la lecture des Ecrits Spirituels d’Antoine Chevrier.

–     du 25 au 29 juillet, Rencontre Nationale du Prado de Madagascar sur le thème « faire son catéchisme », « évangéliser le pauvres », moment fort de partage avec 23 prêtres venus de diverses régions de Madagascar accompagnés par Aristeu, prêtre brésilien, permanent du Prado international.

Août 2011:

–     3 jours de voyage pour rejoindre Diego, et, du 2 au 7, animation de la retraite des prêtres du diocèse d’Ambanja au monastère des bénédictines au-dessus de Diego. Surprise : plus de la moitié des prêtres sont venus sans Bible, sans Nouveau Testament. Je mesure une fois de plus que l’Evangile n’est pas au centre de la vie de l’Eglise de Madagascar et que c’est certainement un défi devant lequel elle se trouve. Bonne nouvelle : la Bible catholique qui n’était plus disponible en malgache vient d’être rééditée.

–     du 8 au 20 août : joie de retrouver ma famille en Dordogne, de me reposer un peu, de goûter à la vie ecclésiale en rural français, même si c’est le rural vu au moment où il y a du monde dans les Eglises du fait des vacances.

–     du 21 au 27 août : retraite proposée par le Prado de France à Limonest et joie de retrouver des frères. Je n’ai pas été un « retraitant modèle » car j’ai dû m’éclipser plusieurs fois pour faire le bilan médical suite à la chute en vélo de février qui a été totalement rassurant même si j’ai encore du mal à tourner la tête. Cela progresse bien depuis un mois.

–     du 27 août au 1er septembre, diverses visites dans la région de Lyon et joie de retrouver les uns et les autres, de retrouver l’équipe Notre Dame accompagnée quand j’étais permanent, la pastorale de la santé qui m’avait accompagné quand j’étais séminariste et d’autres.

Septembre 2011

–     du 1er au 18 septembre, séjour en région parisienne et nombreux contacts ecclésiaux, familiaux, amicaux. Parmi toutes ces rencontres :

–     les 4 et 5 septembre, rencontre de mon équipe de Prado quand j’étais sur la région parisienne.

–     Célébrations à la paroisse de Coeuilly où j’avais démarré comme prêtre le week-end des 10 et 11, et temps de partage le dimanche après-midi avec Basile, prêtre camerounais, curé de Coeuilly et Bois l’Abbé à Champigny, secondé par Jules, prêtre congolais, vicaire. Le thème était le suivant : « Pourquoi un prêtre français se retrouve à Madagascar et qu’est-ce que ça lui fait vivre comme joies, difficultés, conversions ? Pourquoi un prêtre camerounais se retrouve à Champigny et qu’est-ce que ça lui fait vivre comme joies, difficultés, conversions ? » Marc Lulle, prêtre responsable du secteur de Champigny et Jérôme Gavois, curé des paroisses de Champigny, s’étaient joints au partage. Chacun dans l’assemblée a été amené à dire comment il vivait les changements de prêtres (Basile est arrivé depuis peu à Coeuilly et Bois l’Abbé) et je garde cette réponse de Fátima : « C’est toujours un arrachement de voir un prêtre partir, mais c’est un enrichissement. De chacun, j’ai reçu quelque chose de neuf, un appel. » Et elle a énuméré tous les noms des prêtres qui se sont succédés depuis 20 ans en citant un appel reçu de chacun d’eux. Très beau moment d’Eglise.

–     Le samedi 17, les chrétiens qui n’étaient pas à Champigny en juillet, ont demandé à ce que nous célébrions une messe à la mémoire de François Ephrème, retourné vers le Père le 13 juillet. C’est à ses côtés que j’ai eu la joie de vivre les 7 premières années de ministère à Champigny. Nouveau moment fort de communion et joie de la qualité d’accueil de Basile, de Jules. J’ai demandé un statut symbolique de « prêtre associé à l’équipe pastorale de Champigny ».

–     Le lundi 12 septembre, rencontre avec des personnes de l’hôpital Charles Foix comme à chaque fois que je repasse en France, 25 ans après avoir arrêté l’exercice médical. C’est toujours un temps fort de partage et je suis heureux de voir l’Unité de Soins Palliatifs, fruit du travail lancé en 1984.

–     le jeudi 15, célébration de l’eucharistie, repas et partage avec mon évêque et les responsables de secteur du diocèse. Temps fort déjà évoqué ci-dessus et au cours duquel un jeune ayant été aux JMJ à Madrid, converti à l’âge de 14 ans, membre de l’équipe diocésaine des J.M.J a fait un beau témoignage de ce qu’il a vécu et de ce qu’il a vu vivre par d’autres. J’ai été vraiment heureux de ce temps et de pouvoir nourrir le lien qui m’attache à mon diocèse.

–     Diverses rencontres de prêtres, notamment de prêtres âgés ou malades, sans pouvoir visiter tous ceux que j’aurais voulu visiter. Diverses rencontres de chrétiens engagés, d’amis, de membres de ma famille. D’être loin, fait encore plus goûter à ces moments.

–     Rencontre avec l’équipe missionnaire diocésaine. Rencontre avec le Service National de la Mission Universelles de l’Eglise de France et déjeuner avec une délégation du diocèse de Cochabamba (Bolivie) qui fut l’occasion de retrouver deux membres de mon « équipe Prado internet : Luc Lalire, responsable de la mission en Amérique Latine, Jacques Delort, fidei donum à Cochabamba.

Si vous avez des ordinateurs, appareils à photo numériques, mais aussi des livres de théologie ou de littérature qui puissent aider à apprendre le français… ils sont toujours les bienvenus…

–     J’avais lancé un appel pour récupérer des ordinateurs et appareils à photo numériques encore utilisables et ne servant plus. Ce sont 7 ordinateurs et 4 appareils à photos qui arriveront par container et permettront à des prêtres, séminaristes, professeurs, associations de développement rural, de travailler. N’hésitez pas à en mettre de côté pour mon prochain voyage (août 2012 ou 2013, ce n’est pas fixé) en veillant à ce qu’ils ne soient pas obsolètes, au moins avec Windows XP et un disque dur de taille au moins égale à 30 Go. Un grand merci aux donateurs.

–     Vous êtes aussi invités à mettre de côté des livres de théologie, PTP, bibles, dont vous ne vous servez pas et qui pourraient être utiles au séminaire. Il y a aussi besoin de livres divers pour aider des élèves du petit séminaire à apprendre la langue française. Mais il est nécessaire de prendre contact avant en donnant la liste des titres par email pour que nous puissions voir ce qui peut servir et ne pas payer le transport de livres qui ne serviront pas.

De retour à Madagascar

–     Depuis le 18 septembre, je suis de retour à Madagascar avec cette joie profonde évoquée ci-dessus. J’ai été heureux de sentir l’attente des gens de la paroisse malgré mon handicap linguistique si fort et très heureux d’arriver à participer à la rencontre de rentrée de tous les catéchistes et professeurs des écoles catholiques. Là, j’ai été heureux d’apprendre que plusieurs équipes de jeunes s’étaient mises sur pieds dans la dynamique des retraites de Première Communion et de confirmation, commençant à préparer des « théâtres d’Evangile ». Les gens disent aussi leur joie des JMJ organisées à Fianarantsoa autour du 11 septembre pour accueillir les deux délégués de Madrid et qui ont été un moment fort de la vie du diocèse qui va fêter les 140 ans de l’arrivée de l’Evangile à Fianarantsoa le 14 octobre prochain.

Merci…

Ce courrier est l’occasion de remercier tous ceux d’entre vous qui me soutenez dans ma mission par votre accueil, le partage avec vous, votre prière, vos dons, en témoignant de comment vous vivez votre propre mission. Soyez assurés de ma prière et de ma reconnaissance. La joie que j’évoque en commençant ce courrier trouve aussi sa source là. Encore merci.

Bruno

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