Tel est le thème de notre prochaine assemblée générale du Prado qui réunira les délégués des 1300 pradosiens répartis dans plus de 50 pays du monde en juillet 2007 à Limonest (Lyon).
Dom Esmeraldo, évêque du diocèse de Paulo Afonso près de Recife, prêche la retraite nationale du Prado du Brésil. Avant d’être évêque, il était responsable du Prado du Brésil. Il nous a demandé de prendre du temps pour regarder ce qui nous préoccupe, ce que l’Esprit-Saint nous fait voir, dans l’Eglise où le Christ nous a envoyé.
C’est l’occasion pour moi de relire où j’en suis, 10 mois et demie après mon arrivée dans les paroisses de Guaçuí et Dores, Etat de l’Esprit-Saint, au pied du Pico da Bandeira (2886 m alt.), à 150 km de la Côte Atlantique, 460 km nord est de Rio, 200 km sud ouest de Vitória.
J’ai été relire le dernier courrier collectif écrit le 15 mars au cours de la retraite du diocèse de Cachoeiro de Itapemirim prêchée par Dom José Mauro, alors évêque de Janaúba et ai été étonné de l’actualité de ce courrier auquel je vous renvoie. Il exprime vraiment bien ce que je vis au jour le jour ici.
J’écris ce nouveau courrier comme une suite directe en ayant le souci de regarder si je suis dans une suite de rencontres instantanées ou si quelque chose s’écrit aussi dans le temps. En faisant cette relecture, je voudrais essayer de percevoir quelque chose de comment l’Esprit peut me conduire depuis quelques mois, avec la conscience d’être bien loin de me laisser vraiment conduire. Je l’écris en reprenant mon « cahier de vie ».
Ce texte m’a permis un long partage avec Dom Esmeraldo. Il s’y est totalement retrouvé et confirmait toutes les questions qui m’habitaient. Il m’a demandé de le traduire pour le partager avec les prêtres du Prado du Brésil et provoquer d’autres à écrire leurs propres récits, leurs propres questionnements.
1. Vie fraternelle entre prêtres
Le premier point qui reste pour moi très important, c’est la joie de cette vie d’équipe simple et fraternelle entre prêtres avec Juarez et Padre Pedro, avec Olimpio quand nous nous croisons.
Nous sommes très différents de par nos histoires propres, nos caractères, mais il y a une profonde communion et la chance immense pour moi d’entrer dans un autre pays, une autre Eglise, dans un dialogue très suivi avec Juarez. Nous recevons beaucoup l’un de l’autre dans cette collaboration au jour le jour.
Juarez, 37 ans, prêtre depuis 6 ans, est responsable de la paroisse de Guaçuí. Depuis février, il est aussi responsable de la paroisse voisine, celle de Dores do Rio Preto. Je partage avec lui la mission sur ces deux paroisses plutôt rurales.
Juarez est en outre membre du Conseil Presbytéral, responsable diocésain des vocations et suit une formation très prenante sur deux ans pour accompagner les séminaristes. Il a été absent 20 jours au mois de juillet et de nouveau 6 jours début septembre. Il vient aussi d’être nommé « juge » du « Tribunal Ecclésiastique » qui vient d’être créé sur le diocèse. Il a commencé à faire la « Première Formation » du Prado, sorte de noviciat qui se fait par sessions de 4 jours chaque trimestre pendant deux ans et permet ensuite de demander à s’engager au Prado qui, je le rappelle, n’est pas une congrégation mais une association de prêtres diocésains. Dans les jours qui viennent, nous fêterons le cent cinquantième anniversaire de la « conversion d’Antoine Chevrier » la nuit de Noël 1856 à Lyon et le vingtième anniversaire de sa béatification par Jean-Paul II lors de son voyage à Lyon en octobre 1986.
Padre Pedro, 76 ans, est « à la retraite » depuis le 1er janvier et Juarez s’est proposé pour l’accueillir dans un souci de fraternité. Je ne sais pas si nous sommes fraternels… En tous cas, il est heureux avec nous, et, comme tout bon « retraité » qui se respecte et que les plus jeunes savent « exploiter », il est très occupé et assure de nombreuses visites et célébrations, nous permettant d’assurer tous nos engagements extérieurs à la paroisse, me permettant de vivre cette retraite.
La prière de l’office chaque matin à 7h30 et le soir avant de partir célébrer chacun dans diverses communautés de base sont toujours des temps forts de notre vie ensemble, sans oublier tous les partages souvent ponctués par des éclats de rire.
Dom Célio, évêque du diocèse vient de terminer sa visite pastorale dans nos deux paroisses. L’un des points qui l’a le plus marqué est cette vie communautaire entre prêtres. Il souhaite que nous nous exprimions lors d’une prochaine réunion des prêtres du diocèse. Il regrette qu’il n’y ait pas plus de prêtres diocésains qui fassent ce choix d’une vie d’équipe.
Par l’agence d’information Zénit, nous avons vu qu’une rencontre importante d’évêques et de prêtres du Portugal vient d’avoir lieu, faisant la même proposition de développer des équipes de prêtres diocésains habitant ensemble et partageant la mission sur plusieurs paroisses. Au Brésil, nous sommes plusieurs prêtres du Prado à avoir pu obtenir cette possibilité de nos évêques respectifs, mais nous restons des exceptions.
2. Les réunions des responsables des communautés de base (C.P.P : Conseil Pastoral Paroissial)
Ces rencontres mensuelles réunissent tous les responsables des communautés de base. A Guaçuí, il y a 25 communautés : 9 communautés dans la ville et 16 communautés rurales. Une communauté vient de se créer ce mois-ci à partir de l’initiative des gens du lieu. A Dores, il y a 14 communautés dont une seule en ville. Selon les derniers chiffres que j’ai entendus, la paroisse de Guaçuí fait 36 000 habitants quand celle de Dores en fait 7 000.
Les rencontres du C.P.P. sont aussi destinées aux Coordinateurs paroissiaux des « pastorales » (baptême, famille, santé, enfants, Denier de l’Eglise, etc.) ainsi qu’aux responsables paroissiaux des mouvements (Renouveau Charismatique, Légion de Marie, Apostolat de la prière, « Ligue catholique », Rencontres de Couples pour Christ (rien à voir avec les équipes Notre Dame), etc. Si tous les responsables de communautés viennent, ce n’est pas le cas des autres responsables.
Dans le courrier précédent, je faisais part de notre effort pour faire de ces rencontres autre chose qu’un lieu de transmission d’informations et d’ordres.
Les gens ont pris goût à ce type de réunion qui commencent par une demi-heure de partage de l’Evangile du dimanche qui suit avec ces trois questions qui reviennent sans cesse :
– Quelles lumières pour notre responsabilité de « Coordinateur de communauté de base » (ou de service ou de mouvement) ?
– Quelles lumières par rapport au thème du jour ?
– Si je ne devais garder qu’une ou deux paroles qui soient « paroles de vie » pour moi, lesquelles ça serait ?
Ensuite, nous prenons une réflexion de fond avec un questionnaire, travaillé d’abord en petits groupes puis tous ensemble. Suivent l’échange des informations et le déjeuner en commun.
Il est suggéré de reprendre tout ou partie de ce questionnaire ainsi que l’étude d’Evangile au niveau de chaque conseil de communauté de base. C’est une manière de former non seulement ceux qui participent au C.P.P., mais tous ceux qui participent aux conseils des communautés de base.
Quand deux rencontres successives du C.P.P se font sur le même thème, la deuxième repart de tout ce qui s’est réfléchi dans chacune des communautés de base et permet d’arriver à des décisions qui ont été élaborées tant au niveau de chaque communauté de base qu’au niveau du C.P.P. Si certaines décisions engagent l’ensemble de la paroisse, chaque communauté est appelée à décider à son niveau propre sa manière de mettre en œuvre la réflexion faite en C.P.P et au niveau du conseil de chaque communauté. Ces réunions ne sont donc plus des lieux de transmission d’informations ou de décisions prises par le prêtre, mais de recherche et formation en commun.
Les thèmes abordés ont été les suivants en résumant les questionnaires proposés :
– En février et mars : Qui sont les personnes ayant un handicap autour de nous, que recevons-nous d’elles, comment leur permettre de trouver plus pleinement leur place ? Ce thème permettait de lancer ensemble la Campagne de Fraternité annuelle de carême préparée par la Conférence épiscopale.
– En avril et mai : qui sont les jeunes autour de nous ? Que vivent-ils ? Comment les rejoindre ? J’y reviendrai plus loin.
– En juin : Comment vivons-nous les conflits dans nos communautés en essayant d’être disciple et apôtre de Jésus-Christ ? Il y a en effet beaucoup de conflits et nous avons senti le besoin d’aider chacun à réfléchir sur la manière de se situer.
– En juillet : lecture ensemble du document qui oriente le fonctionnement des communautés de base. Dans la suite de la réflexion précédente, nous avons provoqué les responsables à relire ce texte de base pour mieux pouvoir se situer. En fait, aucun ne l’avait déjà lu. Nous avons aussi pris le temps de présenter un projet de visite pastorale de l’évêque qui a été largement enrichi par les gens.
– En août : Qui sont les pauvres dans nos communautés, mais aussi les personnes qui viennent d’arriver ou sont en distance ? Comment allons-nous à leur rencontre, leur permettons-nous de trouver leur place, que recevons-nous dans cet accueil ? Quelles joies et difficultés ?
– Fin août, C.P.P de septembre avancé pour être vécu avec Dom Célio au cours de sa visite pastorale : Où en sommes-nous de notre effort pour « aller voir Jésus dans l’Evangile ? »
- Comment le vivons-nous personnellement ?
- Comment voyons-nous des personnes de nos communautés, mouvements, vivre cet effort et qu’en disent-ils ?
- Comment travaillons-nous à ce que chaque groupe commence par un temps de partage de l’Evangile ?
- Comment cela se passe au niveau des « Circuits Bibliques » de nos communautés ? (Il s’agit de groupes de partage d’Evangile qui se réunissent chaque semaine par quartier ou groupes de maisons en rural, se réunissant à tour de rôle chez les uns et chez les autres, s’invitant chez des personnes ne pratiquant plus.
A Dores comme à Guaçuí, la réflexion du C.P.P sur l’Evangile en présence de Dom Célio a été une confirmation très forte de l’effort proposé.
Les gens sont loin de tous lire l’Evangile avant de venir à la messe, mais les responsables ont témoigné de la joie de ceux qui le faisaient. Ils ont aussi demandé à ce que nous continuions à demander aux personnes qui le souhaitent de dire la « parole de vie » qu’ils ont retenue après la proclamation de l’Evangile et avant que nous fassions l’homélie. Ils ont dit comment ils démarraient les conseils de communautés de base par un vrai temps de partage d’Evangile. Ils ont demandé à ce qu’un temps fort soit prévu avec les animateurs de groupes bibliques pour relancer ces groupes, aider à ce que l’animation permette à tous de parler, que l’on ne « bavarde pas sur l’Evangile », mais partage vraiment la parole accueillie.
Dona Ines, ma professeur de portugais, responsable de la Légion de Marie de Guaçuí, a témoigné de comment notre provocation les avait amenés à lire et travailler dans toutes les équipes la Lettre de Jean-Paul II sur le Rosaire dans laquelle Jean-Paul II invite à méditer l’Evangile et à prendre le temps du silence dans la récitation du chapelet. Depuis, a-t-elle ajouté, il n’y a pas de rencontre d’équipe sans un temps de partage d’Evangile.
S’il y a une chose qui m’impressionne ici, c’est la manière dont les gens se laissent questionner et entrent dans l’Evangile.
– Pour le mois de novembre, nous avons programmé une journée complète de retraite pour l’ensemble du C.P.P et décembre sera une « assemblée paroissiale » avec relecture de ce que nous avons pu percevoir de l’action de l’Esprit-Saint tout au long de l’année.
Je suis heureux de la joie de Juarez de cette manière d’animer les réunions des C.P.P., cette manière qui donne la parole aux gens, qui se nourrit de l’Evangile, qui provoque à un regard précis sur la vie des gens et pas seulement sur leur vie en Eglise, qui permet des décisions prises ensemble.
Plusieurs fois, Juarez n’a pas pu être présent de par ses nombreuses responsabilités et les formations qu’il suit. A chaque fois, nous préparons ensemble et j’anime en son nom. Ces rencontres nous ont vraiment permis de sortir d’une pastorale sans lieu de relecture et de réflexion. Elles nous permettent de former des apôtres et de nous laisser aussi conduire, autant que faire se peut, par l’Esprit-Saint.
Mon regret : il n’a pas été possible d’avancer dans une réflexion pastorale au niveau de l’équipe que nous formons avec les sœurs et les diacres. Par contre, il arrive plus souvent que nous prenions de vrais temps de réflexion avec Juarez, ne serait-ce que pour préparer les questionnaires des C.P.P.
3. Des suites après les visites dans diverses communautés évoquées dans le courrier précédent
Dans ce courrier, je vais surtout relire le chemin fait dans les communautés évoquées dans le courrier de mars pour essayer de nommer ce que les visites dans les communautés me donnent de percevoir et servir de l’action de l’Esprit-Saint dans la durée, sachant qu’il y a 40 communautés de base et que j’en ai visité bien d’autres que celles dont je parlais en mars.
Cette pratique de visites systématiques de maison en maison ne nous est pas propre. Elle se développe au Brésil. Récemment, les séminaristes de premier cycle accompagnés par quelques laïcs qui font partie « d’équipes missionnaires » ont fait une mission d’une semaine dans la paroisse de Dores.
Toute la retraite de Dom Esmeraldo est proclamation que l’Eglise ne peut être que si elle est missionnaire. Il a orienté toute la pastorale de son diocèse dans la lignée de ces expériences
3.1 Communauté Sainte Isabelle : comment évangéliser dans un contexte de développement des sectes ?
Dans le courrier de mars, je parlais largement de cette communauté si divisée par l’Assemblée de Dieu. Après le premier contact qui nous avait fait percevoir sa pauvreté, nous avons fait de l’attention à cette communauté une priorité. Juarez m’a chargé de la suivre plus spécialement, lui s’investissant plus dans d’autres communautés aussi défavorisées ou en crise.
J’ai visité toutes les familles (une trentaine) en plusieurs visites étalées dans le temps. A chaque fois, j’étais accompagné par Sandra, 30 ans, mère de famille, responsable de la communauté. Ne sachant pas lire et écrire, elle s’est inscrite à l’école quand elle a été élue responsable. Lors des rencontres du C.P.P., elle se fait accompagner par une jeune de 15 ans qui lui fait office de « secrétaire ». Marcelo, le mari de Sandra, est passé à l’Assemblée de Dieu suite à une dispute avec quelqu’un de la communauté catholique. Depuis, Sandra et Marcelo ne peuvent plus jamais lire l’Evangile ni prier ensemble.
Sandra a tenu à m’emmener à l’extrémité de la communauté Sainte Isabelle, dans un coin perdu et éloigné à la frontière entre l’état de l’Esprit Saint (notre état), de celui de Rio de Janeiro (au sud) et de Minas Gerais (à l’ouest). Ici, les gens vivent dans une pauvreté très forte. Il s’agit de maisons isolées les unes des autres dans la campagne, parfois deux ou trois maisons à 100 mètres les unes des autres. Le groupe biblique ne se réunit plus depuis plusieurs mois car les gens ont peur et ne sortent plus le soir. Récemment, il y a eu plusieurs assassinats non élucidés (2 ou 3 ?). En chemin, Sandra me montre une croix sur le bord du chemin : c’est là où qu’a été trouvée la dernière personne assassinée. Pour autant que je puisse percevoir, la cause de ces meurtres semble se trouver dans des problèmes de prostitution, de drogue et d’alcool. A partir de faits réels, il s’est aussi développé une psychose que nous essayons de démonter.
Au milieu de cette souffrance, il y a également une vraie solidarité dans les coups durs : deux motos se sont heurtés en juillet provoquant 3 blessés graves. Les gens ont pris en charge matériellement l’une des deux familles qui se retrouvait sans ressources.
De l’autre côté du Rio Preto qui sépare les états, il y a un groupe de maisons et une église, mais le prêtre de la paroisse voisine ne vient plus, les gens ne s’y réunissent plus. La communauté de base s’appelait : « communauté de l’Esprit-Saint ».
Il n’y a pas que l’Eglise qui a abandonné les gens qui vivent là comme en témoigne le délabrement du pont qui permet de franchir le Rio Preto pour passer d’un état à l’autre. Malgré sa peur, en fermant les yeux et en priant, Sandra m’a provoqué à passer le pont.
Sandra est sur le point de relancer le groupe biblique et a réussi à provoquer des personnes à venir participer à la messe dans la communauté Sainte Isabelle, à 1h de marche. Plein d’enfants ne sont pas catéchisés et c’est sur ce point que Sandra travaille pour le moment.
Le 20 mai, au cours de ces visites « systématiques » de maison en maison avec Sandra, nous avons été bénir la maison d’Iuma et Salim. Iuma est l’ancienne responsable de la communauté qui est passée à l’Assemblée de Dieu en 2000, tandis que Salim, son mari, restait membre de l’Eglise catholique. L’Assemblée de Dieu avait alors essayé de récupérer aussi le bâtiment de l’église et l’affaire s’était réglée en justice.
Iuma m’a très bien reçu. Comme un climat de confiance s’était établi, je lui ai demandé s’il lui arrivait de douter du choix qu’elle avait fait ? Elle a hoché la tête. J’ai essayé quelques mots sur la difficulté dans laquelle elle se trouvait : revenir et risquer d’affronter les pressions de l’Assemblée de Dieu, avoir aussi peur d’être plus ou moins bien accueillie dans son ancienne communauté. Je l’ai assurée de notre prière. Elle m’a fait un grand « abraço » et m’a demandé de repasser.
Le samedi 15 juillet, après toute une série de visites, j’arrive à l’église pour célébrer. L’église est située au milieu des champs. Les membres de l’assemblée de Dieu sont à 100 mètres sur le bord de la piste et regardent ceux qui sont de l’Eglise catholique entrer : ce sont leurs voisins, leurs conjoints, leurs parents… Il y a là l’ancien responsable du groupe des jeunes et trésorier de la communauté catholique passé à l’assemblée de Dieu il y a 3 mois pour pouvoir se marier. Les deux groupes se regardent à 100 mètres, sans se parler.
Après un moment d’hésitation, je finis par décider de faire les 100 mètres pour aller saluer ces personnes après m’être fait indiquer de loin qui était dans ce groupe. Je ne savais pas du tout ce que j’allais pouvoir dire, comment j’allais être reçu, mais j’étais convaincu que ce face à face à distance était bien contraire à l’Evangile dont nous nous réclamions les uns et les autres. Dans ce type de situation, me revient sans cesse cette parole de Jésus :
« Ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, l’Esprit-Saint vous enseignera à l’heure même ce qu’il vous faudra dire. » (Lc 12,11-12)
Je vais droit vers l’ancien trésorier qui m’a été indiqué et j’entame le dialogue : « Bonjour, vous êtes José ? Je suis passé voir vos parents l’autre jour. Comme ils sont accueillants ! Je suis prêtre et c’est important pour moi de vous saluer. »
Maria-José, sœur d’Iuma, m’attaque immédiatement au niveau « théologique » : « Pourquoi vous ne respectez pas la Bible et faite de l’idolâtrie avec les saints et les statues ? » Je réponds que cela était important pour moi de venir les saluer, que l’Evangile appelle à s’aimer les uns les autres, et que ça m’était dur de voir des gens qui se connaissent se regarder ainsi sans se parler. Petit à petit, la conversation devient chaleureuse et Maria-José m’invite à déjeuner un jour… Je pensais que ça serait une parole en l’air.
Quelques temps après, Maria-José vient me trouver à la sortie de la messe à Dores pour m’inviter à la fête de l’Assemblée de Dieu et à aller déjeuner chez elle un autre jour.
Y aller, ne pas y aller ? Même si j’avais été libre, je ne souhaitais pas me montrer publiquement à cette fête et risquer de provoquer un trouble dans la communauté catholique ou laisser penser que l’Assemblée de Dieu cessait d’être pour moi un groupe qui déshumanise et coupe du Dieu d’amour.
Aller déjeuner ? Et comment cela allait-il se passer ? En tous cas, ne pas y aller seul mais y aller avec Sandra pour qu’elle soit associée à cette rencontre et qu’à travers elle la communauté le soit. Je gardais dans mon cœur ces deux repères tirés de l’étude d’Evangile pour « faire avec l’Esprit de Dieu » à partir de la rencontre de Pierre et Corneille (Actes des Apôtres 10 et 11) :
– Croire que Dieu agit aujourd’hui (à partir de la parole de Pierre : « A moi, Dieu vient de me faire comprendre… » (Ac 10,28)
– Accueillir l’autre comme « envoyé de Dieu » et ne pas avoir peur de se laisser entraîner sur ses chemins, de faire route avec lui (Ac 10,20 ; 11,12)
Le 8 septembre, je me retrouve chez Maria-José, accompagné par Sandra, la responsable actuelle de la communauté de base catholique Sainte Isabelle.
Trois femmes de l’assemblée de Dieu sont présentes à ce déjeuner : Iuma, l’ancienne responsable de la communauté catholique dont j’avais béni la maison, Maria-José sa soeur qui avait commencé par « m’attaquer » avant de m’inviter. Une troisième femme que je n’ai pas identifiée restera très agressive tout au long du partage. La mère de Iuma et Maria-José avait offert une part de son terrain pour la construction de l’église. L’église est maintenant une enclave isolée par des barbelés sur la propriété de ces femmes passées à l’Assemblée de Dieu.
C’est Maria-José qui prend l’initiative des échanges. Elle dit combien le fait que j’ai été les saluer lui avait « touché le cœur ». Pendant tout le début du repas j’évite toute discussion théologique et les fait parler de leur famille, de leur mère maintenant décédée.
Je leur demande ce qui les a fait passer à l’Assemblée de Dieu. Elles commencent par donner des raisons théologiques, mais j’insiste en demandant ce qui s’est réellement passé, quelles divisions il y a eu. Elles racontent un conflit avec un prêtre précédent très problématique, le même qui a changé de diocèse et se trouve dans la paroisse voisine de Rio de Janeiro, ce même prêtre qui ne vient plus célébrer dans la « communauté de l’Esprit-Saint », de l’autre côté du pont. Lors d’une dispute avec la communauté, il avait fini par dire : « Vous n’avez qu’à passer chez les évangéliques ! » Parole efficace…
Au cours de la conversation Maria-José explique qu’elle a commencé par fréquenter le « Renouveau charismatique », que là, « on lui a fait connaître des choses que l’Eglise catholique lui cachait », « qu’elle avait enfin pu recevoir le « baptême dans l’Esprit », les dons dont parle St Paul l’épître aux Corinthiens, ces dons que l’Eglise ne donne pas ». Dans la foulée, elle est passée chez les évangéliques.
Je ne réduirai pas le Renouveau Charismatique aux questions qui suivent, ni à cette expression bien maladroite de Maria-José, et je n’ignore pas la diversité de la famille charismatique ni ses fruits, mais toutes les interrogations que j’avais avant d’arriver au Brésil sont très renforcées par ce que je vois ici.
C’est impressionnant de voir comment des personnes déjà fragiles psychologiquement, en particulier des personnes en dépression, sont encore plus fragilisées par la participation au Renouveau, cet appel à une prière fusionnelle, à une ambiance provoquée où quelques personnes orientent toutes les autres, où les impositions de mains avec messages passés dans le même temps, les « guérisons », « les chutes dans l’Esprit », la lecture immédiate des signes de l’Esprit et de l’action du Christ, la multiplication de témoignages de « guérisons », de « miracles », n’aident pas à grandir comme hommes et femmes ne vivant pas dans un monde magique mais dans ce monde humain dans lequel le Christ s’est vraiment incarné et nous appelle à discerner et agir.
Je n’ai pas oublié cette élève infirmière traversant un certain nombre d’épreuves et à qui le groupe de prière avait imposé les mains en lui disant : « Tu seras religieuse ». Ici, j’ai déjà eu plusieurs échos du même type avec ce message ou d’autres tout aussi irrespectueux de la liberté de la personne et de la possibilité pour elle de discerner. Je ne parle pas du nombre de personnes ayant une maladie physique ou une dépression, qui sont venues me rencontrer en disant : « au Renouveau, on m’a dit que, dans ma situation, il fallait que j’aille me confesser ». Ce qui se donnait à entendre, c’est que la maladie avait été présentée à cette personne comme la conséquence de son péché.
Pour passer des heures à écouter les gens en permanence d’accueil ou lors des visites, comme prêtre et comme médecin, je suis atterré de ce que des gens en dépression racontent, de comment ces pratiques les déstructurent un peu plus.
Plus un témoignage ou une expression est irrationnel, « mystérieux »plus c’est signe de foi, d’action de Dieu. Ici, un certain nombre de personnes du Renouveau passent sans problèmes d’expressions de foi à tout un tas de croyances occultes parfois bien proche du « spiritisme » très présent au Brésil. Il est vrai que ce n’est pas l’apanage des charismatiques et que la culture brésilienne est aussi marquée par cette caractéristique. Mais le Renouveau la renforce encore.
S’il y avait eu tout un travail d’Eglise au Brésil pour aider des gens à prendre leur vie en main, à discerner et agir, le Renouveau a laminé tout ce travail. Tout ce qui peut arriver vient directement de Dieu. Ce qui compte, c’est de se réunir dans un climat d’émotion. Maria-José parle d’un enfant de la communauté tombé la veille dans un puits et retiré dans un état de mort avant de pouvoir être sauvé : « C’est Dieu qui l’a sauvé. S’il avait été adulte, avec tous les péchés qu’il aurait eus, il n’aurait jamais été sauvé. »
J’attends de pouvoir lire l’intervention de Benoît XVI en Allemagne sur « foi et raison », mais il y a bien là une urgence : aider à une expérience spirituelle qui ne fasse pas fi de la raison et d’un discernement humain, d’un équilibre.
Au moment où j’écrivais ces lignes, la polémique n’avait pas encore éclaté par rapport à la citation initiale de la conférence dans laquelle Benoît XVI n’a pas mesuré que cette citation qui allaient forcément être coupés de l’ensemble du texte de son intervention pourraient blesser si profondément. Après lecture du texte de Benoît XVI, je retrouve cette question centrale : comment articuler de manière juste foi et raison, ne pas fermer le chemin de la foi de par un raisonnement « scientiste », ne pas dénaturer la foi chrétienne en faisant fi de la raison.
En écrivant cela, je n’oublie pas l’apport du Renouveau pour provoquer à prier et la limite d’une pastorale qui a pu parfois être axée trop exclusivement sur la réflexion et l’engagement. Mais pourquoi passer d’un extrême à un autre ?
Et même cette dernière expression n’est pas juste. Ceux qui accompagnent des mouvements comme la J.O.C., l’A.C.O., peuvent témoigner de tout le travail spirituel qui y est réalisé. J’avais eu la chance il y a dix ans que la J.O.C. me demande d’écrire un article sur l’Abbé Guérin. J’ai aussi eu la joie d’être accompagné par Paul Beschet, jésuite, auteur de « Mission en Thuringe », rescapé de ces jeunes qui ont essayé de vivre leur foi dans le STO puis dans les camps de concentration. Là, j’ai été impressionné par cette spiritualité profondément enracinée dans un regard sur la parole et sur la vie, allant dans un même élan jusqu’à l’action concrète pour transformer la réalité des copains, mais aussi témoigner et célébrer.
L’expression « conversion » que le Père Chevrier utilise et que le Prado reprend largement avec lui, que le Renouveau répète sans cesse, dit quelque chose de très profond mais elle fait aussi problème. Combien de fois ai-je entendu : « C’est en entrant au Renouveau que je me suis converti au Christ, avant, je n’étais pas vraiment chrétien », allant parfois jusqu’à signifier clairement à l’auditeur que, tant qu’il ne sera pas entré au Renouveau, il passera à côté de la foi pleinement vécue. Dom Esmeraldo commentant ce passage disait : « Les gens se convertissent-ils au Christ ou à tel mouvement ou Eglise ? » A Janaúba, le groupe local reprochait à l’évêque de « ne pas avoir reçu l’Esprit-Saint ».
Je sais bien qu’il faut resituer ces expressions. Je sais bien qu’au Prado, quand nous parlons de suivre Jésus-Christ de plus près, d’autres entendent « de plus près que ceux qui ne sont pas au Prado », alors qu’il s’agit de se soutenir parce que nous nous sentons fragiles à s’approcher plus du Christ pour que les hommes le connaissent. Cependant, je n’ai jamais entendu ce type d’expression en France dans des mouvements comme les équipes Notre Dame, l’A.C.O., les équipes « vie chrétienne », ou ici à la « Légion de Marie », et bien d’autres mouvements d’Eglise.
Dans un peuple déjà très marqué par l’irrationnel, le Renouveau que je vois vivre ici enferme dans une vision encore plus magique et fataliste du monde. Avec une apparence de grande nouveauté et modernité dans l’expression de foi, on se retrouve dans une théologie traditionaliste et dans un fonctionnement profondément clérical.
Je découvre maintenant que, pour certains, le passage par le Renouveau est une étape avant de devenir évangélique. Peut-être y a-t-il d’autres personnes pour qui le Renouveau a été une porte d’entrée pour passer d’un groupe évangélique à l’Eglise catholique ?
Il se trouve qu’il y a du monde dans ces groupes, alors pourquoi questionner ? Qui n’a pas entendu ces affirmations que, parce qu’il y a du monde, c’est signe que c’est oeuvre de Dieu, sans autre questionnement possible ? Quel évêque ou prêtre n’a pas arrêté de soutenir tel groupe portant de fortes intuitions parce qu’il n’y avait pas grand monde ?
Une fois encore, je ne réduis pas le Renouveau à ces questions. Je sais qu’il me faut sans cesse travailler à accueillir ce que l’Esprit-Saint fait là. Etant étudiant, cela avait été important pour moi de participer à telle ou telle rencontre de prière pour accueillir ce que vivaient deux autres personnes qui habitaient en communauté avec moi et qui faisaient partie du Renouveau.
Je n’ai pas hésité à participer à l’animation d’un « séminaire de vie » du Renouveau de Dores. Reste que j’ai été impressionné du document de base qu’ils m’avaient fourni, une méditation toute prête sur le péché et le salut, d’un traditionalisme et d’un moralisme impressionnant. Heureusement, il était précisé que je pouvais élaborer ma propre parole. J’ai donc proposé une étude d’Evangile dans Saint Luc sur tout ce qui est dit de Jésus qui rencontre les pécheurs… Cela m’a amené à dire des choses très différentes de ce qui m’avait été proposé.
J’ai la joie de collaborer avec un certain nombre de membres du Renouveau bien impliqué dans la paroisse mais je suis aussi amené à mettre des limites, comme quand le groupe de Dores a réussi à faire annuler deux célébrations habituelles de la parole de Dieu dans deux communautés voisines pour les remplacer par leur propre groupe de prière imposé à tous.
Ce que je vois ici à grande échelle m’amène à écrire au risque de ne pas être compris par tel ou tel d’entre vous ou de paraître sectaire.
Mais je reviens à cette question qui me travaille dans ce partage avec Maria-José et Iuma : qu’est-ce qui fait que des catholiques passent si facilement dans des groupes sectaires et fondamentalistes ?
Dans une autre communauté, celle qui me guidait dans les visites a tenu à me faire rencontrer les membres de sa famille passés à l’Eglise Baptiste et avec qui le dialogue a été très bon. Quand je demandais ce qui avait provoqué le changement d’Eglise, à chaque fois un changement très récent, depuis moins de 6 ans, les réponses étaient les suivantes : divisions entre personnes, parole de telle ministre de la parole qui n’a pas été appréciée, maladie au cours de laquelle la personne a été visitée à l’hôpital par des évangéliques.
Une enquête récente montre que, au Brésil, 1% des catholiques passe chaque année chez les évangéliques. Un article récent du journal La Croix signale que la moitié des protestants en France sont maintenant évangéliques. Ceux qui accompagnent les « Gens du voyage » évoquent les mêmes difficultés. Les migrants de nos banlieues de France, sont devant le même défi.
Une confiance naît au cours du partage avec Maria-José, Iuma et cette autre femme en présence de Sandra. J’accepte d’entrer dans le « débat théologique ». Là, c’est impressionnant de fondamentalisme et de pauvreté. C’est le type de partage que l’on peut avoir avec les témoins de Jéhovah. « Vous ne respectez pas la parole. Vous avez des idoles. » « Vous ne respectez pas ce que St Paul dit par rapport aux cheveux » (à partir de 1 Corinthiens 16), etc. Il y a aussi plein de citations concernant l’enfer, le jugement final.
La confiance fait que, ce jour, il y a une part d’écoute, de questionnement où deux de ces trois femmes semblent chercher vraiment. A chaque fois, je réponds en resituant les versets dans plus large et les alerte contre une lecture fondamentaliste, ce qui leur fait redire plusieurs fois : « Mais vous ne croyez pas à la parole ? » Je les provoque alors à comparer les deux récits de la Création dans Genèse 1 et 2 avec cette question : lequel dit vrai, puisque les deux ne donnent pas le même ordre de création des éléments de la nature ?
Je les invite à tout relire à la lumière de cette clef que donne Jésus quand on l’interroge sur le premier commandement : « Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, toute ton âme, tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. Il y a la toute la loi et tous les prophètes » Cela évite de rencontrer quelqu’un qui va à l’enterrement de son père et de lui dire : « Laisse les morts enterrer les morts… »
Elles écoutent, questionnent. Quand elles ont manifesté qu’elles accueillaient vraiment une de mes paroles, l’instant d’après elles reparlent de manière agressive, et assènent telle ou telle « vérité », pour ne pas rester en « fragilité ». Que n’ai-je pas entendu sur le jugement dernier, sur le péché ! J’essaye d’y aller doucement, de ne pas profiter de la formation que je peux avoir, de ne pas humilier, de ne pas me taire non plus.
Sous couvert de la naïveté de celui qui arrive, je dis ma surprise de voir les personnes d’une même famille, d’un même coin ne plus pouvoir prier ensemble, ne plus se parler. Je questionne :
– Comment croire qu’il y a un seul Dieu, le même pour tous, quand il y a tant d’Eglises « chrétiennes » sur le même lieu ?
– Qu’a pensé votre mère qui a offert le terrain pour construire l’église ?
– Comment croire qu’une Eglise fondée il y a une centaine d’années a été fondée par le Christ ?
– Comment comprenez-vous toutes les alertes de Saint Jean ou de Saint Paul pour que les disciples restent unis ?
– Comment comprendre que la mission consiste à faire sortir les gens de l’Eglise où ils ont découvert la foi et fondée il y a 2 000 ans par le Christ ?
Au cours du partage, j’ai largement valorisé tout le questionnement apporté par Luther et regretté que ce questionnement n’ait pas pu être vécu sans séparation. J’ai reconnu les limites de l’Eglise catholique en les resituant dans le choix de Jésus de se confier à des hommes pécheurs, tel que Pierre, Paul, pour révéler l’amour du Père.
J’essaye de les faire réfléchir. Iuma, celle-là même qui confessait qu’elle se posait des questions quand j’étais passé chez elle, est extrêmement réceptive. Au moment de se séparer, je propose de prier ensemble le Notre Père. A ma grande surprise, il y a un refus de faire le signe de croix sans que j’en comprenne la raison. Par contre nous nous donnons la main et disons le Notre Père ensemble.
Tout ce partage se fait en présence de Sandra qui écoute et parfois intervient. C’est une manière de l’associer à ce travail de réconciliation. C’est aussi une manière de l’aider à voir les limites de « l’Assemblée de Dieu ». Les questions qui m’habitent sont les suivantes :
– Comment aider ces personnes qui sont passées à l’Assemblée de Dieu à cheminer pour éventuellement revenir dans l’Eglise catholique ? Quand et comment reprendre contact avec Iuma, l’accompagner en suscitant sa liberté, nous laisser vraiment guider par ce que l’Esprit-Saint fait dans le cœur de l’autre, sans jamais pouvoir prétendre « savoir » ce que fait l’Esprit-Saint, sans tomber dans le prosélytisme contre lequel Benoît XVI a encore alerté récemment ?
– Comment trouver une parole juste pour aider les catholiques à « aimer » ceux qui sont évangéliques, à dialoguer, mais à ne pas tout mélanger, dire que c’est « le même Dieu », que tout se vaut ?
– Quel oecuménisme est possible quand on est au milieu de groupes sectaires et fondamentalistes et avec des gens ayant très peu de formation ?
– Comment, sous couvert d’ouverture d’esprit, d’accueil de l’autre qui « a sa part de vérité », ne pas assister indifférent en voyant des personnes être « déshumanisées » par des courants religieux et le mode de pensée qu’ils apportent ?
– Comment un souci d’accueil de l’autre, de la « vérité » qu’il porte, ne me fait pas passer à côté des pleurs du Christ sur Jérusalem, du bouleversement de Paul à Athènes, de l’inquiétude d’Antoine Chevrier devant tous ceux qui se « damnent », parce que c’est une « damnation » d’être aimé par un Dieu d’amour et de ne pas le savoir ?
– Tout en accueillant l’action de l’Esprit-Saint bien au-delà des limites de l’Eglise visible et en se laissant toucher par ceux qui ne sont pas de notre Eglise, comment proposer cet appel à cheminer dans l’Eglise fondée par le Christ sur Pierre ?
Je ressens en moi nombre des questions que Benoît XVI reprend sans cesse, sans être à l’aise pour autant avec plusieurs décisions concrètes qu’il vient de prendre par rapport à tel ou tel courant traditionaliste.
Au moment de nous quitter, Maria-José nous invite vivement à revenir. Depuis, il y a de nouveau des invitations entre catholiques et évangéliques pour fêter des anniversaires. Les gens parlent plus. Les précédentes visites avaient permis des réconciliations au sein même de la communauté catholique.
3.2 Communauté Saint Sébastien du Cêrro : tout un travail associatif et échos des favelas de Rio
Dans cette communauté, Catia, ministre de l’eucharistie, avait profité de nos visites pour se réconcilier avec Neusia qui ne lui parlait plus depuis des mois, suite à des tensions survenues au cours de la dernière campagne électorale. Après avoir accueilli Catia et demandé le sacrement de réconciliation, Neusia nous avait prié de l’accompagner pour aller visiter d’autres familles avec lesquelles elle ne parlait plus. Au cours de ces visites, les questions de l’alcoolisme et de l’accompagnement des jeunes avaient surgi. J’avais été heureux des échanges sur la maladie alcoolique au cours de la visite d’une famille, puis au moment du partage après l’Evangile au cours de l’eucharistie, mais je m’attendais à ce qu’on en reste à de bonnes intentions sans traduction concrète.
En fait, 3 mois après, lors du C.P.P., quelqu’un annonce qu’une réunion de la communauté Saint Sébastien du Cêrro a eu lieu et qu’ils ont fait intervenir les Alcooliques Anonymes. Ils disent la joie qu’ils ont eu à partager ensemble sur l’alcool, à permettre à telle personne sortie de l’alcool et à sa famille de témoigner, à telles autres personnes et familles encore marquées par cette maladie de s’exprimer. Une deuxième réunion a eu lieu peu de temps après. Depuis, semblerait que tel ou tel essaye de s’en sortir… mais retombe le lendemain. Mais il y a vraiment quelque chose qui a commencé à germer.
Quelqu’un qui n’était pas de cette communauté a annoncé ce fait comme une bonne nouvelle à transmettre au C.P.P., une bonne nouvelle qui se répète de communauté en communauté. Je retrouvais ce mouvement des Actes des Apôtres où annoncer la Bonne Nouvelle consiste à redire sans cesse la mort et résurrection de Jésus mais aussi comment « le Nom de Jésus remet debout aujourd’hui » (cf. Ac 3 et 4 et bien d’autres références)
J’ai profité du voyage de Véronique Lucas, ancienne permanente nationale du Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne en France, puis de « Carrefour de l’Eglise en Rural » pour faire une visite un peu différente dans cette communauté Saint Sébastien du Cêrro.
Véronique s’intéresse à tout ce qui se cherche dans le monde rural. Elle vient de démarrer un tour du monde qui va durer un an tout en écrivant des articles pour diverses revues en France. Elle a commencé par passer 15 jours à Rio pour apprendre le portugais de manière intensive. Ensuite, elle a passé 1 mois et demi à parcourir tout le Brésil et terminait son périple brésilien en s’arrêtant à Dores et Guaçuí. En peu de temps, elle se débrouille remarquablement bien, jusqu’à pouvoir questionner les gens et écouter les réponses sans avoir besoin que l’on traduise pour elle. Elle a continué son périple en passant un mois en Bolivie où elle a été accueillie, entre autres personnes, par Jacques, prêtre de notre « équipe Prado Internet ». Elle repart ces jours-ci pour le Québec puis les Etats-Unis, avant de continuer en Inde, en Afrique, etc. Vous pouvez la suivre sur « Le périple agricole de Véronique Lucas » : www.sapie.coop/periple.agricole
C’est avec beaucoup de joie que j’avais accueilli sa demande, heureux de lui permettre de partager avec les personnes d’ici, heureux d’avoir une occasion d’un autre type de partage avec ceux auxquels je suis envoyé, de les entendre s’exprimer sur ce qu’ils vivent y compris au niveau professionnel.
J’ai choisi de présenter à Véronique la communauté Saint Sébastien parce que, dans la mouvance des communautés de base telles qu’elles existaient dans les années 80, des membres de cette communauté ont créé une association pour s’entraider. Le fonctionnement de l’association est bien distinct du fonctionnement de la communauté chrétienne. En même temps, ce sont les mêmes personnes qui se retrouvent dans les deux lieux et la vie de la communauté chrétienne est nourrie par la vie de l’association, comme la vie de l’association est irriguée par la vie de foi en Eglise de ses membres.
C’est Zé Faria, 40 ans, fondateur de l’association, qui nous accueille à déjeuner avec sa femme Andréa, ministre de l’eucharistie, fille de Zé do Xico qui est le coordinateur de la communauté chrétienne. Andréa et Ze Faria nous accueillent dans leur maison dont une partie a été ensevelie au mois de mars dernier par une coulée de boue liée aux fortes pluies. Heureusement, ils sont sortis de la chambre quelques secondes avant qu’elle ne soit ensevelie sous la boue. Zé Faria explique comment la déforestation a accéléré l’érosion. Chaque année, ce sont de multiples coulées de boues, véritables avalanches locales qui parfois détruisent des maisons et tuent. Zé parle d’un effort pour protéger les maisons en replantant des arbres en amont. De même, il y un effort pour replanter des arbres au sommet des collines pour retenir l’eau et améliorer l’irrigation des cultures en contrebas.
Après le déjeuner, ils nous conduisent dans les locaux attenants à l’Eglise pour rencontrer une vingtaine de personnes de la communauté qui ont suspendu la cueillette du café toute l’après-midi pour recevoir Véronique. Les gens présentent l’association qui permet aux 36 familles de se soutenir dans divers domaines :
– La production de café : ils travaillent actuellement à passer à une culture biologique et commencent à faire le choix de la « cueillette sélective », c’est-à-dire à cueillir les grains un par un quand ils sont mûrs, passant à plusieurs jours d’intervalle cueillir sur le même pied, et non plus tout un pied d’un coup ; cela permet de produire un café de meilleure qualité et vendu plus cher ; l’association permet aussi de se grouper pour vendre à un meilleur prix et en limitant les intermédiaires ; Véronique se demande si le café ainsi produit passe par le circuit « commerce solidaire » tel que nous le connaissons en France, mais elle n’a pas pu en avoir la confirmation.
– La production de lait : ils ont acheté en commun une citerne réfrigérée et salarie une personne de la communauté qui s’est formée au contrôle biologique du lait. La traite reste manuelle.
– Ils se soutiennent aussi pour diversifier les cultures et ne pas être trop vulnérables aux variations des cours du café ou du lait. Plusieurs se lancent ainsi dans la culture de fraises. D’autres se sont lancés dans la production de fleurs pour l’exportation.
– Ils se soutiennent aussi pour développer la culture de légumes et fruits pour leur propre alimentation et aussi vendre en ville ; cela s’inscrit dans un programme gouvernemental visant à développer les « jardins communautaires ». La mairie vient de soutenir la création d’un marché hebdomadaire qui permet à chacun de venir vendre sa production.
– La production et la vente d’objets artisanaux qui permet aux femmes de la communauté d’augmenter les revenus. Elles se sont formées en broderie et production de tapis de salles de bains et autres objets. Le problème actuel est d’arriver à organiser la vente.
– une activité folklorique de « Feuilles du Roi », danse traditionnelle, qui se fait connaître à l’extérieur de la municipalité.
Les personnes de la communauté ont été très touchées qu’une personne venue de la France s’intéresse à eux, qu’elle puisse écrire un article sur eux. Cela a aussi été l’occasion pour eux de dire combien ils étaient étonnés de notre manière d’être prêtre avec Juarez, de faire des visites, de nous intéresser à leur vie quotidienne. Véronique dit avoir été émerveillée de tout ce qu’elle voit germer dans le monde rural brésilien et qu’elle n’imaginait pas.
Lors du C.P.P. d’août, Zé do Xico, le coordinateur de la communauté Saint Sébastien, s’est fait excuser. Il avait du partir pour Rio de Janeiro parce qu’ils avaient reçu l’annonce de la mort par meurtre d’un neveu qui avait grandi dans la communauté et avait été habiter dans une des favelas de Rio. A 16h, au moment de célébrer la messe, j’apprends que la famille avait reçu un appel pour annoncer la mort du neveu, mais que, quand ils ont été reconnaître le corps, ce n’était pas le sien. Quelques heures après, la famille a reçu un nouvel appel : quelqu’un annonçai que le neveu avait été « enlevé » et faisait une demande de rançon de 3 000 Reais (900 €). La famille avait dû répondre qu’elle n’avait pas la somme.
Le 9 septembre, 15 jours après, je repasse dans la communauté. Les « marchands de drogue » qui ont leurs étalages en pleine rue dans la favela ont proposé de payer la rançon, mais à qui ? Il n’y a plus eu de nouveau contact avec les éventuels ravisseurs et le corps n’a pas été retrouvé malgré une semaine de recherches compliquées par le fait que la police ne peut pas entrer dans la favella. La famille ne sait pas si cet homme qui est marié et père de deux enfants en bas âge est vivant ou non. Zé do Xico, émet une autre hypothèse : son neveu aurait pu participer à un « mauvais coup » et aurait pu avoir été descendu par la police militaire qui aurait éliminé son corps, comme d’autres. Mais, rajoute-t-il, jusque là, on n’a jamais entendu dire qu’il participe à la délinquance. De manière très concrète, j’ai un écho de la vie dans les favelas, des rapports extrêmement violents avec la police militaire, une police qui a aussi beaucoup souffert et perdu plusieurs de ses membres dans les émeutes dirigées depuis les prisons qui ont paralysé São Paulo il y a quelques temps.
Ce jour, nous commençons les visites en allant chez Renata et Joimar. Leur fils Daniel doit être baptisé au cours de la messe de 16h. Comme nous essayons de partager l’Evangile du jour, Renata, 24 ans, se retrouve en difficulté car elle est illettrée. Elle annonce qu’elle démarre un cours d’alphabétisation populaire qui va être animé par Romi, un jeune de la communauté qui a 19 ans. Lors de la messe, je découvre que 21 personnes de cette communauté qui comprend 36 familles se sont inscrites ensemble à ce cours. Dans le partage après la proclamation de l’Evangile, quelqu’un fait le lien entre ces personnes qui vont apprendre à lire et écrire et l’Evangile du jour : la guérison du sourd muet.
Lors de la visite avec Dom Célio à la mairie, nous apprenons que le taux d’analphabétisme sur la municipalité de Dores est de 20 %. Il est sans doute de plus de 50 % des adultes dans telle ou telle communauté rurale. Avant la bénédiction finale, j’appelle tous ceux qui sont inscrits à s’avancer et nous chantons pour eux un chant à l’Esprit-Saint.
Comme à chacune des célébrations dans cette communauté, je relance la réflexion par rapport à l’alcool. Celui qui joue de la guitare, qui a 40 ans, chez qui j’avais eu un long partage pour le provoquer à sortir de l’alcool, n’est pas là. Il était de nouveau ivre quelques jours avant. Il avait expliqué qu’il ne venait pas quand il avait bu.
3.3 Communauté Saint Louis : « L’action de l’Esprit-Saint dans le bruit d’un silence »
C’est cette communauté qui célébrait dans une étable désaffectée et où il avait été question de lancer un groupe d’alphabétisation. La personne qui prêtait l’étable a installé son frère gravement alcoolique dans la maison voisine. Sous l’emprise de l’alcool, il a fait une crise de violence et tout cassé dans l’étable. La communauté se réunit en plein air sur le terrain de Nelson et Lucia. Tous les deux ont acheté un bout de terrain et l’ont offert à la communauté pour construire une Eglise. Ils ont lancé un appel pour que les gens viennent aider à aplanir le terrain… 2 personnes seulement sont venues.
2 personnes viennent de l’extérieur pour aider à animer les célébrations au niveau de la musique. Résultat : ceux de la communauté qui avaient commencé à essayer de faire quelque chose ne font plus rien et s’appuient sur ces personnes de bonne volonté.
Nous alertons beaucoup Nelson pour qu’il ne soit pas tenté de construire l’église seul, ce qui serait généreux mais ne ferait certainement pas naître la communauté.
Nous allons entreprendre des visites de toutes ces familles qui étaient sans terre et sont arrivées ici il y a moins de 3 ans, dans un système de redistribution de terre où les gens obtiennent le droit d’avoir un lopin de terre. Les trois premières années, ils ne payent presque rien. Ils défrichent, construisent leur maison. Ensuite, ils doivent payer progressivement. Les familles n’ont pas été soutenues au niveau technique. Beaucoup sont endettées. Pour le moment, il n’y a pas d’entraide entre elles malgré l’action de Nelson et Lucie qui ont essayé de provoquer les autres familles à se mettre en association.
Nelson et Lucie se sont lancés dans diverses cultures. Ils ont raconté à Véronique Lucas leurs débuts difficiles faute d’expérience et de savoir faire. Ils sont très investis dans l’association qui développe la culture de fleurs « copo de leite »
Nelson et Lucie continuent de trouver dans la méditation de l’Evangile faite chaque jour à 5h du matin la force de continuer à avancer.
Quant à moi, je médite cette réflexion de Luc, prêtre de notre équipe Prado Internet fidei donum en Uruguay lors de notre première « réunion conférence skype » sur la fiche 1 de préparation de l’assemblée du Prado, à partir des difficultés qu’il rencontre :
« L’action de l’Esprit-Saint, ce n’est pas forcément quand il y a beaucoup d’adrénaline, que l’on voit plein de choses bouger. Quand Elie rencontre Dieu, au seuil de la caverne, après avoir essayé de transformer plein de choses à partir de ses propres forces et s’être retrouvé désespéré jusqu’à avoir une attitude suicidaire, ce n’est pas dans le feu, le tonnerre, la tempête, le tremblement de terre, mais c’est dans le « bruit d’un silence ». (d’après 1 R 17 à 19)
3.4 Communauté Saint Jean-Baptiste : « ministre de la parole et de l’eucharistie » dans un monde marqué par les divisions et la violence, « ministre de la réconciliation »…
Au C.P.P. du samedi 15 juillet, le coordinateur annonce que sa communauté est en crise et ne peut plus célébrer ensemble. Il n’explique pas plus.
Le dimanche, en rentrant d’une autre communauté où j’ai été faire des visites et célébrer, sur le chemin pour aller célébrer à Dores, je m’arrête un moment à l’église de la communauté St Jean-Baptiste qui est allumée. La célébration dominicale de la parole est prévue à 19h. Le coordinateur explique qu’Edson, une personne de la communauté a tenté d’agresser sexuellement la femme d’Omerio, ministre de l’eucharistie, à son domicile. Celle-ci a tiré en l’air, faisant fuir l’agresseur. Omerio a perdu la tête et, en se faisant accompagner par un autre, a été tabasser sous menace d’arme l’agresseur de sa femme. Avant de le trouver qui se cachait dans la nature, il a été le chercher dans sa maison en cassant des choses en présence des enfants en bas âge et de la femme d’Edson. Il est ensuite entré, toujours avec arme, dans la maison du père d’Edson. Je laisse une lettre écrite au nom de Juarez, en formation à Florianópolis à 1 500 km au sud, assurant la communauté de notre prière et les appelant à prier.
Il y a quelques mois, il y avait eu une campagne et un référendum pour interdire la possession d’armes, en vain. Dans le petit village voisin, 2 personnes sont paraplégiques suite à des « disputes en famille » avec armes.
Le 22 juillet, je passe visiter Omerio qui reconnaît tous les faits, demande à démissionner de sa charge. Il explique que, tout d’un coup, il s’est rappelé qu’il était ministre de l’eucharistie et qu’il ne pouvait pas agir ainsi, qu’il avait alors stoppé « sans quoi, je l’aurais tué ». Il explique aussi comment sa femme ne peut plus sortir car Edson a fait courir le bruit qu’elle a une vie dissolue. Mais pourquoi n’es-tu pas passé par la police ? « On l’a appelé d’autres fois, elle ne fait rien. » Ce constat sera confirmé par les responsables de la mairie lors de notre rencontre au cours de la visite pastorale avec Dom Célio. Ana-Maria dit que Custódio, le coordinateur de la communauté, est venu leur remettre le texte de prière laissé à la communauté. Ça les a beaucoup touchés et ils le montrent à tous ceux qui viennent les visiter.
Depuis cette bagarre, 1/3 des personnes de la communauté, celles qui ont un rapport de parenté directe avec Edson, ne viennent plus célébrer à cause de l’honneur bafoué par la vengeance d’Omerio.
Le vendredi 11 août, Adilson, ministre de la parole dans la communauté Saint Jean-Baptiste, vient nous trouver à la permanence d’accueil à Dores. Il est de la famille d’Edson et demande l’autorisation de ne plus aller à la communauté Saint Jean-Baptiste et d’aller exercer son ministère dans la communauté Saint Antoine située à 2 km. Il reconnaît l’erreur grave d’Edson. Tout en critiquant le geste de vengeance d’Omerio, il dit comprendre qu’il ait perdu la tête et ne pas vouloir le juger. Nous réfléchissons avec lui et lui faisons percevoir comment le fait de changer de communauté n’est pas une solution et l’aidons à percevoir la contradiction qu’il y a à vouloir annoncer la parole de Dieu dans la communauté voisine parce qu’il ne veut plus venir prier dans la sienne. Nous l’appelons à se montrer « ministre de la parole ».
L’après-midi, après une longue négociation chez Omerio, avec Juarez nous permettons une rencontre entre Adilson, et Omerio, une prière ensemble. Omerio n’a pas accepté d’aller chez Adilson, mais il a accepté d’ouvrir la porte si Adilson venait. On est loin d’une rencontre entre les deux protagonistes directs de la bagarre, mais Adilson, membre de la famille d’Edson, a déjà entrouvert une porte.
Le lendemain, accompagné par Adilson, je vais chez Edson. Il commence par nier la tentative d’agression sexuelle puis, comme je lui décris le type de fonctionnement psychologique qui semble être le sien quand on écoute Adilson présenter son cousin, Edson reconnaît les faits ainsi que d’autres faits antérieurs. Il accepte d’écrire une lettre à Omerio dans laquelle il reconnaît les faits, demande pardon, lui dit aussi que la vengeance en retour n’était pas juste, s’engage à reprendre l’accompagnement psychologique qu’il avait commencé et interrompu. Il termine en « écrivant » (en fait c’est la femme d’Edson qui écrit car Edson qui a 30 ans, est illettré) qu’il prie pour Omerio et en demande à Omerio de prier pour lui. Il reconnaît aussi avoir calomnié Ana-Maria, la femme d’Omerio. Il accepte la proposition du sacrement de réconciliation.
Nous allons porter cette lettre à Omerio qui l’accueille et y répond dans des termes comparables. Il est convenu qu’Omerio lira ces deux lettres au début de la prochaine messe de la communauté. Edson ne venait jamais aux célébrations et nous nous sommes gardés de le provoquer à revenir dans l’immédiat.
Chacun des deux protagonistes a fait le choix de ne pas porter plainte contre l’autre sans quoi, les deux se retrouveraient en prison.
Adilson, le ministre de la Parole qui s’est ainsi engagé dans ce chemin de réconciliation, demande à Omerio de venir chez son père puis chez le père d’Edson, pour demander pardon d’être entré avec arme, d’avoir bastonné Edson et d’avoir atteint l’honneur de la famille. Omerio accepte.
Dans chacune des deux maisons visitées, après avoir expliqué la démarche et lu les deux lettres qui venaient d’être échangées, je demande s’ils accepteraient de prier le Notre Père ensemble. La réponse est immédiate : « Qui pourrait dire non à une telle proposition ? » Nous le disons en nous donnant la main. Alors qu’ils ne s’étaient ni salués, ni adressés la parole depuis le début de la visite, Omerio et le Père d’Edson, ainsi que le Père d’Adilson, se donnent ensuite un signe de paix.
Ceux de la famille d’Edson disent qu’ils allaient revenir à la prochaine messe que Juarez devait célébrer. Le samedi 19 août, Omerio a bien lu les deux lettres en début de célébration. Juarez a appelé les familles à accueillir le don de Dieu dans ces lettres, à contempler le Christ qui appelle des hommes pécheurs comme apôtres, comme Pierre qui avait tranché l’oreille du soldat et renié le Christ. Il appelle à reprendre le chemin d’une vie dans la paix. Il met en valeur le chemin d’Omerio et Edson qui ont écrit des lettres si fortes. Il souligne le travail du coordinateur de la communauté, de ceux qui se sont retrouvés pour prier devant le Saint Sacrement, de Adilson qui s’est situé en « authentique ministre de la Parole »… Mais la famille d’Edson n’est pas venue.
Lors du Conseil exceptionnel de la communauté réuni après l’eucharistie en présence de Juarez, la communauté a confirmé Omerio dans sa charge de ministre de l’eucharistie tout en lui disant de voir quand il se sentirait de reprendre son service. Cela a été une manière de ne pas prononcer d’exclusion, de ne pas non plus faire comme si rien ne s’était passé, de ne pas aller plus vite que la communauté ne pouvait aller.
Par l’intermédiaire d’Adilson, le ministre de la parole, le père et les oncles d’Edson, celui qui avait fait l’agression sexuelle avant d’être passer à tabac, demandent à ce que nous allions visiter chacune de leurs maisons, et pas seulement les deux maisons déjà visitées.
Le 10 septembre, j’ai donc repris mon bâton de pèlerin. J’ai déjeuné chez le père d’Adilson. Il a accepté de m’accepter pour aller visiter chacune des familles et aider ses frères à se laisser toucher. Là, nous avons écouté la souffrance de chacun, relu les lettres, proposé un temps de prière. A chaque fois, et tout en insistant bien sur le fait qu’il s’agissait seulement d’une proposition, j’ai proposé à ceux qui le souhaitaient de profiter de ma visite pour recevoir le sacrement de réconciliation, la force de Dieu pour vivre cette réconciliation. Tous ceux de la maison venaient recevoir ce sacrement les uns après les autres. A chaque fois, le partage était excellent.
Le soir, à la messe mensuelle de la communauté, il n’y avait toujours personne de cette famille. Quand je suis repassé sur mon jour de repos pour visiter les maisons non encore visitées, le père d’Adilson a expliqué « qu’il leur fallait du temps ». Comment entrer dans le « temps de Dieu » ? Comment savoir en même temps continuer à insister parce que tout ce temps où les familles ne se retrouvent pas, ne prient plus ensemble, contribue à alimenter tous les « commérages » ? L’autre jour, dans le bus, un jeune de 14 ans a de nouveau ressorti à voix haute les calomnies contre Ana-Maria en sa présence. Elle a répondu, bien sûr… « Pour la famille Machado, il faudra deux cercueils, un pour la personne, un pour la langue… » Et il a fallu reparler, appeler. Dans ce monde rural où chacun se connaît, nous faisons l’expérience forte de ce qui est aussi vrai en ville : il n’y a pas que les armes qui tuent, la parole aussi.
Si j’ai pris du temps pour évoquer cette situation, c’est parce qu’elle dit bien à la fois la difficulté de la vie entre les gens dans certaines communautés, provoquant des morts, des déménagements, des destructions de communautés. Elle dit aussi tout le travail de foi de tel ou tel ministre de la Parole, responsable de communauté. Elle dit quelque chose du ministère selon l’Esprit-Saint, ministère de réconciliation. Si les divisions s’expriment fortement ici, je retrouve le même défi que nous vivons en France dans nos communautés chrétiennes et sociales. Je retrouve aussi la même force de la parole de Dieu pour essayer d’avancer. Je retrouve aussi ce travail d’hommes et femmes de bonne volonté, pas forcément croyants ou chrétiens, pour rendre possible un vivre ensemble dans les cités. J’y perçois aussi quelque chose de notre ministère de prêtres.
Dans notre préparation de l’assemblée du Prado sur « Le ministère de l’Esprit-Saint au milieu des pauvres… », nous avons largement été renvoyés à méditer cette parole de Jésus à la synagogue de Nazareth au début de son ministère :
“L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur. Il roula le livre, le rendit au servant et s’assit ; tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez. »” (Lc 4,18-21)
Oui, c’est aujourd’hui que je vois le Christ travailler à libérer des captifs par l’intermédiaire de ce ministre de la Parole, par tant d’autres.
4. Pastorale des jeunes
Lors des visites de famille en famille, plusieurs jeunes avaient questionné sur ce que nous allions faire pour les soutenir, pour leur permettre de redémarrer les groupes qui étaient presque tous arrêtés. En avril et mai, cela nous avait amenés à proposer une réflexion au niveau du C.P.P et de chacun des conseils de communautés de base.
A Dores, deux professeurs membres du C.P.P ont immédiatement mordu à la réflexion proposée et ont fait équipe avec moi pour faire un projet à soumettre d’abord au C.P.P de mai, puis aux jeunes. A Guaçuí, faute d’une réflexion possible à ce moment-là en équipe pastorale, je n’ai pas poussé plus loin pour l’instant. Depuis, Juarez a demandé à ce que nous reprenions la question sur Guaçuí l’an prochain en regardant comment articuler ce soutien avec la pastorale des vocations et avec le travail des sœurs.
A Dores, en nous appuyant sur la réflexion faite en C.P.P., nous avons demandé aux responsables des communautés de base de provoquer 2 ou 3 jeunes de leur communauté à venir participer à une rencontre au niveau de la paroisse.
Le 4 juin, ce sont 18 jeunes de 6 des 14 communautés qui se sont retrouvés. Nous avons fait étude d’Evangile à partir d’Actes 3 et 4 en se centrant pour cette première rencontre sur la guérison du paralytique par Pierre et Jean. Impressionnant de voir tous ces jeunes venir avec la Bible sous le bras sans que personne ne l’ait demandé, partager immédiatement avec beaucoup de profondeur. Nous avons pris un temps pour essayer de partager les paralysies qui les marquaient ou marquaient leurs copains. Lors des rencontres suivantes, nous avons fait partage d’Evangile à partir de la suite de ce récit.
Ensuite, nous avons lancé une proposition aux jeunes :
– A partir de ce texte de Actes 3 et 4, chercher à identifier les paralysies qui les atteignent, eux ou/et leurs copains, à en choisir une et à essayer de faire quelque chose de concret pour transformer la situation.
– Leur proposer deux temps forts :
- Fin novembre, une journée paroissiale à inventer par eux avec deux points de repère :
- que la parole de Dieu y soit présente, et qu’il y ait une célébration eucharistique
- que l’on proclame ce qui aura été concrètement réalisé dans chaque communauté qui éventuellement pourrait être tout autre que la proposition à partir de Actes des Apôtres 3 et 4
- Une « marche retraite » début janvier.
– Leur proposer de se retrouver entre délégués une fois par mois un dimanche matin pour mettre en commun leur recherche et se donner des idées les uns aux autres, préparer la journée paroissiale et la marche retraite qu’ils auront la charge d’animer.
– Leur proposer de choisir un délégué pour chacun des 5 secteurs de la paroisse qui accepteraient de préparer la prochaine rencontre de tous les délégués pour que ça ne soit plus nous qui animions.
– Les provoquer à essayer de prendre contact avec les jeunes des communautés non représentées encore.
La proposition a été reçue avec enthousiasme. De rencontre en rencontre, nous sommes bien avancés dans la préparation de la journée de fin novembre. Tel groupe a du mal à se retrouver et à faire quelque chose, tel autre fonctionne avec enthousiasme et a fait un questionnaire pour échanger avec les autres jeunes sur telle paralysie qu’ils ont repérée. Ils ont surtout évoqué l’alcool qui touche toutes les familles, le souci de la préservation de la nature (l communauté qui se situe au pied du Pico da Bandeira est très sensibilisée à ce sujet de part tout un travail fait par la municipalité, mais aussi par la communauté chrétienne locale). Provoqués par nous, ils ont aussi lancé une réflexion sur les études : pourquoi la plupart des jeunes arrêtent si vite les études même quand il y a des possibilités au niveau local ? Ils ont effectivement été visiter des communautés voisines encore non représentées. Dans deux lieux, des communautés voisines se sont associées pour monter un groupe de jeunes en commun. Une communauté autre que Saint Jean-Baptiste qui a une taille importante est paralysée par des divisions fortes entre adultes et qui se répercutent au niveau des jeunes. Je dois rencontrer les jeunes lors de la prochaine messe de la communauté.
A ma grande surprise, dans la préparation de la journée paroissiale, les jeunes ont insisté pour que les parents y soient invités. Le mouvement des « Rencontres de couples avec le Christ » a été contacté pour animer une réflexion entre parents et avec les frères et sœurs plus jeunes, pour organiser aussi le « repas communautaire » qui sera partagé au cours de la journée à partir de ce que les familles auront offert et qui sera cuisiné par des volontaires. Lors des ordinations, ils arrivent à fournir un repas chaud « gratuit » à plus de 3000 personnes.
J’avais proposé une semaine pour la marche retraite… Les jeunes ont trouvé cela trop long : ils n’ont jamais quitté la maison et il y a le travail aux champs. Ils ont choisi de faire un temps de 3 jours et, s’ils sont plus de 30 à s’inscrire, ce qui semble être le cas, nous ferons deux groupes : un marchera du mardi au jeudi de la première semaine de janvier sur un itinéraire, et l’autre du vendredi au dimanche sur un autre itinéraire.
Pour qu’il n’y ait personne d’exclu par le coût et pour que cette marche ait aussi un impact dans la paroisse et permette à des jeunes de se mettre en route, le projet consiste à prendre Saint Paul comme compagnon de route en plongeant dans les Actes des Apôtres. Nous démarrerons d’une des communautés de base de Dores, après un temps de prière initial, nous irons à pied dans une communauté chargée de nous accueillir et de fournir le repas. Là, nous partagerons sur le texte, sur notre vie pendant les heures de pleine chaleur. Nous préparerons une veillée pour le soir et reprendrons la marche en fin d’après-midi pour aller célébrer et se faire accueillir pour le dîner et la nuit dans une autre communauté.
Dans le cadre de la visite pastorale, ils ont rencontré Dom Célio et présenté leur chemin. Il a été très intéressé et a demandé qu’un écho soit redonné dans le diocèse.
Dans le courrier précédent, je disais la souffrance de voir les prêtres seulement célébrer des messes et intervenir en faisant des topos ponctuels mais sans pouvoir accompagner de manière suivie et avec d’autres. Je suis heureux de pouvoir vivre le ministère autrement maintenant avec un vrai travail de formation et d’accompagnement et en équipe avec des laïcs.
Nous nous apprêtons à accompagner mieux divers services et pastorales, comme les « Circuits Bibliques », « la pastorale des enfants » (prévention de la mortalité infantile, rien à voir avec l’A.C.E.)
5. Visite pastorale de Dom Célio
Quand Dom Célio a annoncé sa visite et dit qu’il souhaitait rencontrer des responsables civils et politiques, Juarez a exprimé sa surprise. Quelques jours plus tard, nous nous sommes assis pour réfléchir une proposition de programme à soumettre au C.P.P. Ensemble, nous avons regardé comment cette visite pourrait être comme une merveilleuse occasion de permettre un type de réflexion qui n’existait pas et d’en profiter pour des contacts que nous n’aurions pas autrement, comment elle pourrait permettre à la communauté chrétienne de se situer un peu différemment, de ne pas être fermée sur son fonctionnement interne, comment elle pourrait aussi être « parole » pour les organismes et personnes visitées.
Nous avons prévu chaque matin des rencontres et visites de réalités hors Eglise, chaque après-midi des visites des communautés de base avec eucharistie dans la plus pauvre le soir. Pour ne pas en rester à des visites « protocolaires », nous avons élaboré des questionnaires un peu tous bâtis sur le même type :
– A partir de la responsabilité qui est la vôtre, que percevez-vous de la vie des gens au service desquels vous vous trouvez ?
– Quelles sont vos joies, difficultés, projets ?
– Si vous avez la foi, comment celle-ci vous questionne, soutient ?
– Sur quoi aimeriez-vous attirer l’attention de l’évêque ?
En C.P.P. nous avons réfléchi : quels groupes rencontrer ? Qui inviter pour qu’il n’y ait pas trop de monde et que ça soit un vrai partage ? Qui ne pas oublier ? Avec les laïcs, nous nous sommes répartis la responsabilité de contacter les uns et les autres.
Nous avons ainsi rencontré :
– Les maires et adjoints chargés de divers postes des municipalités de Dores et de Guaçuí. Dans les deux cas, cela a été un temps très fort de partage. A Dores, cela a été l’occasion de donner des échos du travail dans les communautés évoquées ci-dessus et avec les jeunes et au cours des visites dans les communautés. A Guaçuí, la visite est tombée au moment où le maire venait d’apprendre qu’il allait être suspendu pour irrégularité dans la campagne électorale plusieurs années avant.
– un groupe de 10 professeurs et directeurs d’écoles, tant en rural qu’en ville, en primaire collège ou lycée, professeurs enseignant aux élèves du matin, de l’après-midi ou du soir. C’est une membre du C.P.P qui a alerté pour que l’on n’oublie pas les professeurs des écoles primaires en rural. La même salle de classe va servir chaque jour pour des élèves qui suivent l’école le matin, pour d’autres qui ont cours l’après-midi, pour d’autres encore qui étudient de 18h à 22h après une journée de travail dans les champs.
– un groupe de soignants et professionnels de la santé à Guaçuí. C’est José-Luiz le médecin et Kishma le directeur de l’hôpital avec qui j’avais déjà eu une réflexion (cf. courrier précédent) qui ont tout mis sur pied. Conclusion d’une dentiste très engagée auprès des plus pauvres et femme de l’ancien Coordinateur paroissial : « Cette rencontre est très bonne si c’est la première d’une série. » Dom Célio les a provoqués à profiter de ma présence comme prêtre et médecin.
– la prison où Dom Célio s’est retrouvé avec nous et les 60 prisonniers quand il y a 20 places. Cela a permis de donner un coup de pouce sérieux à l’équipe de « pastorale carcérale » et à prévoir une célébration mensuelle. Il y a quelques mois, nous n’avions pas accès à cette prison et c’est la Légion de Marie qui a fait tout un travail pour relancer cette pastorale. C’est une situation bien plus humaine que celles des grandes prisons qui font la une de l’actualité au Brésil. Lors de la fête de St Pierre, patron du diocèse, à la fin de la messe célébrée sur la place centrale de Cachoeiro de Itapemirim, devant 10 000 personnes et la presse, les 4 évêques de l’état de l’Esprit-Saint ont fait une déclaration très forte qu’ils ont solennellement signée contre un projet de prison inhumain et critiquant très fortement le ministre de la justice. Ils ont appuyé une formule qui se développe doucement de prisons « locales », de petite taille, avec un régime de semi liberté, pour faciliter la réinsertion des prisonniers.
– l’établissement spécialisé pour handicapés
– l’asile (maison de retraite)
– une association d’aide à l’accueil de l’enfant pour des mineures et femmes célibataires
– la juge de Guaçuí
– La chambre de commerce et d’industrie
– la laiterie de Dores et une des scieries.
– Déjeuner chez les sœurs, autre déjeuner avec les diacres et deux pasteurs avec qui nous nous sommes beaucoup retrouvés sur tout le questionnement par rapport aux évangéliques ;
– un groupe de catéchèse spécialisée dont Juarez a soutenu le lancement dans la foulée de la campagne de fraternité,
– une rencontre avec « l’école de théologie » qui forme une cinquantaine de laïcs avec des cours chaque jeudi soir de 18h à 22h.
– une maison d’appui pour les enfants qui accueillent des enfants défavorisés et leur évite de passer la journée dans la rue.
A chaque fois que nous visitions une usine, que nous rencontrions un groupe d’acteurs sociaux, nous retrouvions les leaders de nos communautés chrétiennes. Nous avons eu nombre d’échos ensuite de l’impact pour eux que l’évêque et nous-mêmes soyons venus les visiter dans ce qui fait leur travail, leurs préoccupations. Cela a été un moment fort pour nous pour percevoir tout ce qui se réalise déjà « du royaume ».
A Guaçuí, l’évêque a aussi participé à la « foire biblique », journée lancée par les sœurs et qui consiste à provoquer des jeunes de chaque communauté à faire des maquettes sur des scènes de la bible et à les présenter à tous ceux qui viennent visiter. Si les maquettes sont souvent superbes, les commentaires des jeunes étaient absolument extraordinaires. Nous les avons provoqués à présenter ensuite leurs maquettes dans leurs propres communautés lors de la messe suivant cette « foire biblique ».
Tout au long de cette visite pastorale qui s’est terminée dans les deux paroisses par une messe dans le gymnase de chaque ville, Dom Célio a montré son grand charisme de simplicité, de contact fort avec les enfants, les personnes malades, âgées ou handicapées.
Cela a aussi été un très bon temps de partage fraternel avec lui pendant 6 jours. Il nous a largement confirmé dans le travail entrepris. Cela m’a aussi permis, à partir de situations très concrètes, de questionner sur diverses exclusions qui blessent des gens comme la place des divorcés remariés, et d’autres situations difficiles.
Cela a été l’occasion de partager avec lui sur le charisme du Prado, ce que nous essayions d’en vivre.
6. Vie d’équipe Prado :
Je continue à participer avec beaucoup de joie à l’équipe Prado de l’Etat de l’Esprit-Saint.
Ces jours-ci, je me retrouve pour 7 jours avec 26 pradosiens des 4 coins du Brésil. L’un a fait 3 jours de barque sur les rivières d’Amazonie où il est, pour arriver à un aéroport et venir à Salvador da Bahia. Pour moi, j’ai fait 300 km de bus puis 1 200 km en avion, de nuit, parce que c’est moins cher, avant de prendre un bateau pour rejoindre l’île paradisiaque à 13 km en face de Salvador dans cette merveilleuse baie.
Je reste impressionné de la capacité des prêtres du Prado du Brésil à accepter des déplacements longs et coûteux pour faire équipe et se soutenir. J’ai calculé que j’ai dépensé 2 mois de salaire en frais de session, cotisation, abonnements et frais de transports en un an de présence ici. Pour être plus près de la réalité, il s’agit non pas du salaire mais de l’argent que nous recevons chaque mois sachant que la plupart de nos dépenses (loyer, voiture, téléphone, soins, nourriture) sont prises en charge par la paroisse et que notre salaire réel est donc bien supérieur. Nous sommes très au-dessus des revenus des plus pauvres et recevons deux salaires minimum en argent plus tout ce que nous recevons en nature.
Ceux de l’Amazone expliquaient comment leur paroisse n’arrivait pas à leur payer même un salaire minimum, comment il avait passé plusieurs mois sans recevoir de salaire.
Ici, dans cette retraite nationale, je suis très impressionné de me sentir si proche de prêtres venus d’un tout autre horizon. Cela m’est plus difficile au sein du presbyterium de Cachoeiro de Itapemirim même si les contacts sont aussi très fraternels. La différence est au niveau de la sensibilité : dans le diocèse, je me sens en fort décalage avec un certain nombre de prêtres, là où j’ai l’impression de parler la même langue avec ceux du Prado.
Ce qui m’a surpris aussi, à chaque rencontre du Prado au Brésil, c’est qu’il est bien rare qu’ils ne se mettent pas à évoquer des prêtres français, du Prado ou non, qui les ont beaucoup marqués par leur engagement concret avec les pauvres, leur engagement à s’arrêter, à lire l’Evangile. Je ne m’attendais pas à des paroles aussi répétées et fortes pour dire combien des gestes très simples de ces prêtres ont marqué leur propre chemin de prêtres brésilien. Les noms de Bruno Bibollet, Guy Gelly, Philippe Mallet, René Guere, Marcel Cortey, et d’autres reviennent sans cesse. C’est l’occasion pour moi de saluer mes prédécesseurs ici qui vont recevoir ce courrier. C’est aussi un appel à questionner pas tellement en paroles, mais en priant l’Esprit-Saint de me donner de me laisser concrètement conduire dans une suite du Christ au milieu des pauvres.
7. Retraite à Janaúba début août
En mars, pendant la retraite des prêtres du diocèse de Cachoeiro de Itapemirim qu’il nous prêchait, Dom José Mauro a demandé à Olimpio d’aller prêcher la retraite des prêtres de son diocèse de Janaúba et de faire connaître la spiritualité du Prado. Il lui a dit combien il cherchait comment soutenir les prêtres de son diocèse qui avait été créé en prenant un bout de deux autres diocèses, 5 ans plus tôt. N’étant pas disponible, Olimpio m’avait demandé d’y aller. En juin, Dom José Mauro a été transféré dans un diocèse plus « important » au sud du Minas Gerais, Etat grand comme la France.
Janaúba se trouve à l’extrémité nord du Minas Gerais, à 1 000 km de Dores, 600 km nord de Belo Horizonte. C’est une région pauvre économiquement, avec une forte population d’origine africaine, vivant dans une grande pauvreté, employés dans des grandes fazendas.
Quelques temps avant la retraite, le prêtre élu pour administrer le diocèse en l’absence d’évêque avait téléphoné pour voir si je comptais toujours venir, espérant, semble-t-il, que j’annulerai ma venue. Il avait été convenu avec Dom José que la retraite démarrerait le mardi 1er août au matin et j’avais annoncé mon arrivée un jour avant pour pouvoir me reposer du voyage.
Le lendemain soir de mon arrivée, comme je ne voyais personne arriver pour commencer la retraite, je questionne l’administrateur du diocèse. Il a commencé par dire que la retraite avait toujours été prévue un jour plus tard… Comme je lui montrai l’email reçu de Dom José et fixant les dates de la retraite, il s’excuse que je n’ai pas été averti que le conseil avait décidé de la raccourcir. Comme je lui demandais quel était son programme le lendemain, il a ouvert son agenda sur lequel était écrit : « retraite »… Je lui ai proposé que nous puissions faire étude d’Evangile tous les deux même si les autres n’arriveraient que le soir. Il a alors pris son téléphone et nous avons été 5 pour commencer la retraite le lendemain matin. Petit à petit, d’autres nous ont rejoint. 8 sur 18 ne sont pas venus, 6 se sont vraiment laissés prendre par ce partage à partir de l’Evangile, 6 autres ont aussi participé, mais d’un peu plus loin. Je faisais figure d’ancien, étant l’un des deux plus vieux prêtres…
Là, comme j’en avais l’habitude en France, j’ai proposé de faire étude d’Evangile ensemble sur le thème : « Vivre le ministère de prêtre en se laissant conduire par l’Esprit-Saint ». Chaque matin, j’introduisais brièvement un texte et chacun était invité à faire sa propre méditation. A 11h, nous nous retrouvions pour partager nos lumières. C’est une manière de provoquer à vraiment plonger dans l’Ecriture, à prendre la parole entre prêtres à partir de la parole de Dieu. Cela m’aidait aussi à ne pas être trop handicapé par la langue. A la fin de chaque partage, je laissais ma propre étude sous forme écrite et en disait quelques-uns des points plus importants. L’après-midi, nous avons aussi partagé à partir d’extraits des Ecrits Spirituels d’Antoine Chevrier.
J’ai pu percevoir bien des misères, bien plus que j’aurai imaginé en rencontrer. J’ai aussi perçu quelque chose de l’appel de Dieu chez ces gars jeunes, vivant le ministère dans un isolement complet. Certains sont seuls pour 80 communautés regroupant quelques familles seulement sur un territoire paroissial qui peut faire plus de 100 km de pistes défoncées d’un point à un autre. Ils célèbrent jusqu’à 5 messes par jour même en semaine, et finissent par perdre le sens de ce qu’ils ont choisi. Nous avons beaucoup partagé à partir de là, y compris sur comment s’organiser pour arrêter de passer en courant d’une communauté à une autre, en célébrant tant de messes en une journée. Le climat né de ce partage de l’Evangile dans un moment difficile de la vie du diocèse m’a touché.
Là, plus qu’à d’autres moments, j’ai ressenti l’importance de l’envoi de prêtres européens en mission. Si nous « manquons de prêtres en France », si c’est une chance que la France accueille des prêtres venus d’autres pays pour élargir nos horizons en France, il y a une vraie nécessité à continuer d’envoyer des prêtres français à l’étranger, pas tant pour célébrer quelques messes en plus, que, tout en recevant la foi des pauvres et le dynamisme des Eglises naissantes, pour partager des spiritualités diocésaines qui puissent aider. C’est bien dans la richesse de ce partage entre prêtres d’horizons différents pour un meilleur service des hommes que je perçois une urgence d’envoyer des prêtres en mission.
Olimpio m’a demandé de voir avec Juarez comment garder le souci d’un lien avec les prêtres de ce diocèse de Janaúba. Si tel ou tel d’entre eux refaisait signe, Juarez me libérera et j’irai passer une semaine ou plus avec eux. Dom Célio avec qui nous avons beaucoup partagé sur ce que j’ai pu percevoir là-bas nous a confirmés dans ce sens et nous a questionné sur « comment le diocèse de Cachoeiro de Itapemirim pourrait soutenir une telle Eglise ? »
Comme nous, Dom Célio ne comprend pas la décision d’enlever un évêque jeune et profondément doué et évangélique 5 ans seulement après l’avoir envoyé créer un nouveau diocèse à partir de rien. Dom José, quand il est arrivé, n’avait ni véhicule, ni rien pour animer un diocèse.
La femme laïque qui a accepté de le suivre pour l’aider à organiser le secrétariat du diocèse, la comptabilité, témoigne de jours où ils ont eu faim, faute de finances diocésaines. Dès le départ de l’évêque, le conseil des consulteurs (prêtres assumant la responsabilité du diocèse en l’absence d’évêque) l’a licenciée sine die : elle demandait une comptabilité rigoureuse… Elle a du repartir sans pouvoir terminer l’année d’études qu’elle suivait à l’université de Janaúba tout en aidant Dom José à structurer son diocèse. Comme rien n’avait été prévu, j’ai assuré le déménagement de ses cartons pour Belo Horizonte où elle vivait avant lors de mon retour vers Dores.
Vendredi 16 septembre : au cours de notre retraite Prado, nous apprenons le décès de Dom José Mauro. Il est mort carbonisé, écrasé entre 3 camions. Pour l’Eglise du Brésil, et en particulier pour ceux qui cherchent à édifier une Eglise ouverte, conciliaire, proche de tous et en particulier des plus pauvres, c’est une perte énorme. Ce n’est pas le premier évêque qui a un accident grave. Leur ministère les amène à faire des kilomètres dans leur diocèse, et aussi pour se retrouver entre évêques. Là, Dom José Mauro se rendait à Belo Horizonte, capitale de l’Etat. 2 jours après, nous apprenons la mort d’un autre évêque très proche de Dom Esmeraldo qui prêche notre retraite, toujours dans un accident de la route.
Cette insécurité routière caractérise aussi la vie au Brésil : l’état des routes, l’inconscience des conducteurs, fait que, depuis que je suis arrivé, nous avons souvent reçu le même type de nouvelles. Sur les 30 km entre Guaçuí et Dores, il n’y a pas un virage, pas un haut de côte sans des marques de freinage ou d’accident. Beaucoup de conducteurs dépassent même s’il n’y a aucune visibilité. Je ne parle pas des voitures, piétons, animaux, cyclistes non éclairés et marchant au milieu de la route, ni de l’alcool au volant.
8. Equipe Prado Internet
Depuis mon arrivée au Brésil, nous faisons équipe Prado par Internet avec 3 autres prêtres du Prado partis de France au même moment : Henri au fin fond de l’Algérie, Luc en Uruguay, Jacques en Bolivie. Nous avons commencé par un échange de « révisions de vie » par emails. Depuis deux mois, nous avons adopté les conférences téléphoniques par skype. Pendant 2 heures, un mercredi par mois, nous nous donnons rendez-vous et partageons sur les fiches de préparation de l’assemblée internationale de juillet 2007. C’est un lieu très précieux. Quand nous nous connectons, il est 8h en Bolivie, 9h en Uruguay et au Brésil, 14h en Algérie.
J’ai la conviction qu’il y a là un filon à utiliser pour permettre à des prêtres isolés de se soutenir dans une vie spirituelle.
9. Service du Prado : traductions, Mois Pradosien, année pradosienne
Olimpio va venir me remplacer une dizaine de jours en novembre pour me permettre d’aller au nord de l’état de l’Esprit-Saint chez le premier et plus vieux[1] pradosien du Brésil pour terminer la correction d’une édition en portugais du Brésil du livre d’Antoine Chevrier : « le Véritable Disciple » qui va être éditée. En collaboration avec le Prado du Portugal, un travail de traduction des lettres d’Antoine Chevrier se fait aussi. Avec la préparation de la retraite de Janaúba, cela fait un moment que je n’ai pas directement fait ce type de travail.
Avec Olimpio, nous sommes en train de constituer une liste d’adresses Internet pour favoriser la communication entre nous et nous avons transmis à chacun ces documents en version numérique sans attendre qu’ils ne soient publiés.
Le mois pradosien, temps fort de relecture du Véritable Disciple, d’étude d’Evangile, de relecture de vie et de vie fraternelle que chaque pradosien s’engage à faire tous les dix ans aurait du avoir lieu au mois de juillet. Il avait été annulé du fait du peu d’inscrits. Finalement, il va avoir lieu au mois de janvier sur la paroisse de Dores. Olimpio va venir me rejoindre et 8 à 10 personnes vont venir des 4 coins du Brésil. Le week-end, nous nous répartirons dans toutes les communautés de base de Dores et Guaçuí pour assurer la messe mensuelle. Le reste du temps, nous nous retrouverons dans une maison qu’une famille met à notre disposition en pleine nature, dans la communauté Saint Isabelle. Je serai ainsi « obligé » de m’arrêter et me ressourcer…
10. Pastorale de la santé et soins palliatifs
Au retour de la retraite qui se termine ce 19 septembre, j’irai passer deux jours à Dores puis ferai un aller retour à Cachoeiro de Itapemirim dans la journée (115 km de distance) pour participer au « Congrès de la Pastorale de la Santé ». C’est Americo, un prêtre Camilien, directeur de l’université Camilienne de Cachoeiro de Itapemirim, qui a passé un certain temps à Bry sur Marne et parle un français parfait qui me demande de présenter le contenu du livre « En fin de vie ». J’espérais avoir du temps pour préparer un texte écrit… mais je devrai improviser en portugais et compter sur Americo pour voler à mon secours.
Récemment, un médecin de Guaçuí m’a demandé de l’aide pour mettre en place un traitement de la douleur pour sa mère qui est morte d’un cancer du pancréas. J’espère que ça profitera ensuite à d’autres personnes.
11. Ascension du Pico da Bandeira et découverte du Brésil
La retraite de Janaúba a été l’occasion de visiter 3 des villes historiques surgies dans cette recherche de l’or et des minerais divers : Ouro Preto, Mariana, Sabará. Cela a été l’occasion de traverser les longues étendues très peu peuplées au nord de Belo Horizonte. Les paysages ne valent pas ceux de l’Etat de l’Esprit-Saint et de nos deux paroisses en particulier… Je suis déjà devenu chauvin.
Au retour de Janaúba, j’ai été accueilli par François Lewden, prêtre du diocèse de Bordeaux, prêtre ouvrier au chômage et qui habite dans une des Favelas de Belo Horizonte. Nous nous sommes donnés rendez-vous à la Gare Routière de B.H. et François m’a guidé jusqu’à chez lui. Quand nous sommes arrivés à l’entrée de la favela, un jeune a sifflé pour signaler l’arrivée d’une voiture étrangère à la Favela mais « non hostile », m’a dit François, puisque ils avaient reconnu François.
Cela a été un bon moment de partage fraternel avec François qui est délégué local du C.E.F.A.L. (Comité Episcopal France Amérique Latine), comité qui assure un lien entre l’Eglise de France et les Eglises d’Amérique Latine, et qui veille à un soutien entre tous les prêtres, religieuses, laïcs français en mission en Amérique Latine. Jusque là, nous nous connaissions seulement par Internet.
La retraite à Salvador est l’occasion de découvrir cette île d’Itaparica dans la baie de Salvador. Je n’ai trouvé qu’une fois le temps d’aller prendre un bain alors que la plage est à 300 mètres et est déserte avec du beau sable blanc et des palmiers.
J’aurai un jour et demi pour visiter São Salvador avant de reprendre l’avion. A notre arrivée à Salvador avec Jesus, prêtre du Prado, du diocèse de Colatina, autre diocèse de l’Etat de l’Esprit-Saint, nous avons été accueillis par une famille originaire de Linhares, paroisse où Jesus avait été prêtre. Ayant commencé comme petits paysans, cette famille s’est lancée dans la fabrication et la vente de meubles. Elle possède maintenant une chaîne de grandes surfaces de meubles de luxe ce qui a amené ce couple à venir habiter à São Salvador où ils ont ouvert un nouveau magasin. Ils habitent une résidence de plusieurs pavillons entourés par un grand mur et où l’on n’entre qu’en se présentant au garde qui contrôle l’entrée 24h sur 24. C’est un mode d’habitat qui se développe beaucoup pour les classes riches de la société. Comme prêtre, on passe d’un instant à l’autre d’un accueil en favela à un accueil en quartier hyper riche. C’est aussi une grâce du ministère.
Fin juin, au moment de l’entrée en hivers pour nous, nous avons profité avec Juarez d’un passage d’Olimpio pour « prendre de la hauteur » : nous avons fait l’association de nuit du Pico da Bandeira (Pic du Drapeau) pour assister au lever du soleil. Là-haut, la température était à 0°. Arrivé au sommet, le guide qui nous accompagnait, ministre de la Parole dans une des communautés de Dores, a sorti sa Bible. Il était le seul de nous 4 à avoir pensé à la prendre. Etonnants laïcs brésiliens !
12. Bonne rentrée à vous tous…
Je m’arrête là et vous fais grâce de vous donner des nouvelles de toutes les autres communautés visitées. Le prochain long courrier ne sera pas avant 6 mois. Ce courrier peut vous donner l’impression que je suis très pris et débordé du fait que je résume 6 mois et que j’essaye de donner autre chose que quelques flashs caricaturaux… Ce n’est pas le cas du tout. Je suis bien moins sous pression que quand j’étais prêtre en France dans une paroisse de 4 km par 2 km, 100 000 habitants, mais 1 % de pratiquants. Dès janvier, je vais encore avoir la chance de vivre 3 semaines de retraite (en animant le Mois Pradosien) suivie de la « semaine de spiritualité » du Prado de l’état de l’Esprit-Saint.
Si vous ne l’avez pas compris, je suis heureux et très reconnaissant au Père Daniel Labille, l’évêque de notre diocèse de Créteil, à Dom Célio évêque de Cachoeiro de Itapemirim, à Robert Daviaud, responsable général du Prado qui m’a envoyé ici, de me donner de vivre cette rencontre d’un autre pays, d’une autre Eglise, à la fois si différents et si proches de la France, m’amenant à recevoir et donner, et à beaucoup réfléchir concrètement sur « comment me, nous laisser conduire par l’Esprit-Saint au milieu des pauvres ? »
Je vous redis ma prière et compte sur la vôtre. Vous savez que, grâce à Internet, je reste très présent à chacun de vous, à l’Eglise de Créteil, de Lyon, au Prado de France, à ma famille, à vous tous qui comptez pour moi. Je n’ai jamais tant lu le journal « La Croix » que je retrouve sur Internet. Je lis fidèlement les feuilles paroissiales que je reçois de Champigny, les courriers de Créteil, du Prado, etc.
Je suis toujours très heureux d’accueillir des personnes venant vivre autre chose que du tourisme et partager avec une autre Eglise. J’ai eu la joie ces dernières semaines d’accueillir Véronique (cf. ci-dessus), mais aussi deux prêtres de Toulon et Marseille venus de Recife « juste pour dire bonjour ». Je m’apprête à recevoir un jeune couple qui avait fait une des marches retraite et veut vivre un « voyage de noces différent ». Sachez seulement que je ne pourrai pas accueillir de fin juin à début août 2007… Je prendrai mes « vacances bisannuelles » en France et serai heureux de retrouver quelques-uns d’entre vous, mesurant déjà que ce temps passera très vite.
Je porte dans ma prière cette fête des quarante ans du diocèse de Créteil et des autres diocèses voisins. Je suis toujours heureux de toutes les nouvelles que vous pouvez envoyer. Je vous souhaite à chacun, chacune de « vous laisser toujours plus conduire par l’Esprit-Saint ». Très fraternellement.
Bruno
[1] 72 ans. En France, la moitié des prêtres diocésains ont plus de 72 ans