Je crois en l’Eglise (21 février 2002)

Je crois en l’Eglise

Je crois que le Christ a appelé et appelle des hommes à être signe de son amour pour tout homme, qu’il est vivant en eux aujourd’hui et continue à se dire lui-même quand ils transmettent et vivent son Evangile, sa Bonne Nouvelle qui interroge l’humanité, questionne toute culture et appelle l’homme à ne pas être réduit à la « chair », aux forces qui le tirent vers le bas, l’enferment sur lui, et le coupent des autres, mais que le Christ appelle chacun et tous ensemble à devenir une humanité nouvelle en communion avec le Père et avec tous les hommes nos frères.

Je crois que la joie, la paix, la vie, est dans cette vie reçue du Christ, joie soufferte, mais seule joie vraie et durable.

Je crois que l’Eglise est bien le corps du Christ, qu’il est bien vivant en elle et n’a pas peur de se dire au milieu et au-delà même des trahisons des chrétiens, mais aussi dans le don d’eux-mêmes jusqu’au pardon, au martyre. Mon « je crois » se reçoit et ne peut se dire que dans le « nous croyons » de l’Eglise ; il l’enrichit tout en étant aussi une parole qui me fait comme sujet unique en même temps que membre d’un corps et de l’humanité.

Je crois que l’Eglise, ce n’est pas « eux », « ils », mais « nous » dans laquelle « je » me reçois et me donne, sans laquelle je n’aurais jamais reçu l’Evangile ni la possibilité de recevoir et donner le Christ, vivre de sa vie, entrer dans sa vie par le baptême, l’Eucharistie, la confirmation, le pardon, l’ordination.

Je crois que Jésus a choisi des hommes divers, de tous pays, de toute condition, des hommes qu’il rejoint dans leurs fragilités et que son corps ne peut se construire que dans la tension pour que le plus petit soit au centre et que chacun reçoive le Christ du plus petit qui a aussi à se laisser convertir et toucher par le Salut, que chacun prenne conscience qu’il est lui-même petit, et grand quand il se laisse rejoindre là.

Je crois que l’Eglise n’est Eglise du Christ que dans l’ouverture à tous les hommes,

–    à ceux chrétiens, qui ne partagent pas ma sensibilité… et c’est le plus dur souvent…

–    à ceux, chrétiens dont nous sommes séparés, mais sans gommer les différences

–    à ceux qui portent l’attente du Messie et nous ont transmis la foi en l’Unique Tout Autre,

–    à tous ceux qui se tournent vers Dieu d’une autre manière,

–    à ceux qui ne croient pas en Dieu mais croient en l’homme, sans renoncer à témoigner de notre attachement au Christ,

–    à ceux aussi, qui, pour diverses raisons, ne croient plus en l’homme, plus en l’autre, plus en eux.

Je crois que Jésus agit aujourd’hui encore dans son Eglise, personnellement, par son Esprit, particulièrement dans les sacrements, et que l’Eglise ne peut se construire qu’en s’ajustant à ce qu’il fait Lui et dans la confiance qu’il va agir jusqu’à oser dire dans sa vulnérabilité : « de l’or, de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai je te le donne, au nom de Jésus, lève-toi et marche… et tous louaient Dieu », qu’elle ne peut se construire qu’en recevant les autres comme « envoyés par Dieu » comme Pierre avec Corneille et ses envoyés, qu’elle ne peut se construire qu’en « faisant ceci en mémoire du Christ », en agissant « en son nom ».

Je crois que l’Eglise ne peut être Eglise du Christ que dans la juste articulation entre l’ensemble des baptisés et les ministres au service de ce corps pour qu’il vive vraiment de la vie du Christ et que nous sommes appelés à entrer plus profondément dans la compréhension de la grâce du ministère de l’évêque successeur des apôtres dont nous tenons notre propre ministère, qu’il s’agit de bien plus que d’une fonction, que tout notre être est appelé à être configuré au Christ et à se savoir baptisé avec d’autres.

Je crois que Jésus appelle son Eglise à être reflet de cet amour, qu’il appelle chacun à la sainteté, à la conscience de cet amour infini qui rejoint chacun dans sa fragilité ; je crois que l’Eglise ne peut se construire que si chacun accueille cet appel à suivre Jésus-Christ de plus près, prend la ferme décision de se laisser faire, de travailler à recevoir cet Esprit de sainteté pour que les hommes se sachent aimés, que si chacun ne cesse de travailler à se convertir en même temps que de laisser faire Dieu, ne cesse de chercher à correspondre à une vie selon l’Evangile en même temps que de se laisser rejoindre dans sa fragilité ; je crois que nous ne pouvons avancer qu’ensemble sur ce chemin et en demandant à des frères de toujours nous interroger et appeler. Je crois que le sacrement de réconciliation est un don privilégié sur ce chemin.

Je crois que son Eglise n’est qu’en étant missionnaire et qu’en articulant fortement mission et prière, rassemblement et envoi, proposition, confession de la foi et accueil de ce que Dieu fait chez ceux qui ne partagent pas notre foi, sans jamais opposer ces dimensions de la mission. Je crois que le chemin premier de la mission est de mettre l’Evangile dans la main des gens, de manière toute simple en mettant en présence de la personne du Christ et d’écouter ce que le Christ dit à travers la manière dont chacun reçoit l’Evangile, de l’écouter, l’accueillir, l’annoncer, le célébrer. Je crois que la mission nous conduit non seulement à partager la vie des hommes, à recevoir l’Oeuvre de Dieu en tout homme, mais aussi à annoncer et à n’avoir de cesse que d’ouvrir à la vie jusque dans l’accueil des sacrements où Dieu se donne plus profondément encore que nous ne pouvons le percevoir, dans lesquels le Christ s’engage tout autant et avant même que nous nous engagions.

Je crois que l’Eglise ne se réduit pas à sa face visible et qu’elle se rattache à la multitude des saints, la chaîne continue dans laquelle au-delà et à travers les trahisons, le Christ s’est dit. Je crois que Marie, Pierre, Paul, Jacques, Jean, Antoine Chevrier, Sœur Marie, les moines de Tibhirine, Camille Millet, André Redouin et tant d’autres qui nous ont précédé, sont l’Eglise avec nous et nous entraînent sur le chemin du Christ et des hommes.

Je crois que l’Eglise a charge de tourner l’humanité vers la rencontre finale avec le Christ en accueillant dès aujourd’hui cette vie en plénitude et sans jamais la réduire à une libération humaine, sans jamais la recevoir non plus en dehors de ce combat profondément humain.

Je crois que le don fait à l’Eglise et au monde en la personne d’Antoine Chevrier est source pour moi, pour d’autres, pour construire l’Eglise et servir le monde aujourd’hui.

Je crois que ce que nous avons vécu ces jours dit vraiment ce qu’est l’Eglise, corps vivant du Christ et que l’obéissance est accueil et engagement à partir de ce qu’il fait ici, aujourd’hui et maintenant pour que les hommes le connaissent.

Bruno Cadart, le 21 février 2002.

 

Ce contenu a été publié dans Textes Bruno Cadart. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire