Chers amis,
J’espère que vous allez bien. Voici quelques nouvelles à l’occasion de cette grande fête de Pâques.
Arrivée de Sœur Maria do Socorro
Juarez m’a demandé de m’investir plus sur Dores, de l’y représenter, de prendre les décisions en son nom. Cela me laisse plus d’espace et c’est aussi une expérience forte de communion entre nous car nous partageons beaucoup et en profondeur. Je vais à Dores le mercredi, et du vendredi au dimanche.
Sœur Maria do Socorro vient de rejoindre la communauté de Guaçuí. Elle a été chargée de s’investir plus sur Dores. J’ai la chance de collaborer avec une personne de 37 ans, ayant un contact très facile avec les gens, une passion pour l’Evangile. Elle s’investit plus dans la formation des catéchistes, des équipes de baptêmes, de musique.
Son arrivée se traduit par un afflux d’enfants dans les équipes de catéchisme de Dores et une forte participation d’enfants aux messes. Les messes du dimanche matin sont animées par les enfants qui viennent en ayant choisi une « parole de vie » et font souvent une présentation « théâtrale » de l’Evangile.
Mois Pradosien à Sainte Isabelle
Du 8 au 28 janvier, avec Olimpio, responsable du Prado du Brésil, nous avons animé le « Mois Pradosien » dans la communauté Sainte Isabelle, cette communauté de base pauvre de la paroisse de Dores do Rio Preto, très marquée par les divisions provoquées par l’assemblée de Dieu.
En entrant au Prado, nous nous engageons à faire régulièrement une retraite d’un mois pour relire le Véritable Disciple, livre du Père Antoine Chevrier, faire étude d’Evangile ensemble. Avec les 6 participants venus d’Amazonie, du sud du Brésil, de Salvador da Bahia, nous nous sommes retrouvés 8 à vivre ce temps de retraite dans une maison qui nous avait été prêtée, en célébrant tous les soirs avec les membres de cette communauté de base.
J’ai animé 6 Mois Pradosiens à Limonest mais c’est la première fois qu’il m’est donné d’en animer un au milieu d’une communauté pauvre. Jamais je n’aurais imaginé que, dans un coin peu habité, 30 à 60 personnes viendraient célébrer tous les soirs avec nous.
Après la proclamation de l’Evangile, ce sont les laïcs qui s’exprimaient en premier pour partager la « parole de vie ». Les participants au mois ont été étonnés de voir « l’autorité » avec laquelle les personnes, dont beaucoup ne savaient ni lire, ni écrire, s’exprimaient. Nous avons vraiment reçu l’Evangile de la bouche des pauvres.
Notre présence dans la durée a été l’occasion pour des personnes qui ne venaient plus à l’Eglise depuis des années de participer de nouveau.
Cela a aussi été l’occasion pour Marcelo, le mari de Sandra, responsable de la communauté Sainte Isabelle, de revenir de l’Assemblée de Dieu. Il a choisi le jour où sa fille a fait sa première communion pour revenir. Il a pris la parole pour dire ce que son passage à l’Assemblée de Dieu avait cassé dans sa vie familiale et dans la communauté. Lors des célébrations de cette Eglise sectaire, ils étaient appelés à se méfier de tous ceux qui n’étaient pas de l’Assemblée de Dieu et qui étaient du « démon ». Il a raconté comment il a décidé de revenir quand le pasteur a alerté les membres de cette Eglise contre le Père Bruno qui était un « démon ». A sa suite, 3 autres personnes ont réintégré la communauté catholique.
Marcela, 12 ans, sa fille, a écrit cette prière, qu’elle nous a lue le jour de sa première communion :
Dieu, pour moi, est toute bonté. C’est mon espérance, ma vie, ma lumière et ma paix. Sans Dieu, je ne suis rien.
Je crois en lui, il peut m’aider, parce que :
Là où il y a la foi, il y a l’amour.
Là où il y a l’amour, il y a la paix.
Là où il y a la paix, il y a Dieu.
Là où il y a Dieu, rien ne manquera.
Jésus, je crois que tu es présent dans l’eucharistie. Tu es mon chemin. En toi, Jésus, je trouve la Vérité. Et, par toi, je vais à la Vie de Dieu, la vie éternelle. Jésus, je t’aime et désire m’unir à toi dans l’eucharistie.
Aujourd’hui, je suis en train de faire un pas en avant vers Dieu. Je demande à Dieu de me protéger pour que je puisse continuer sur son chemin, aujourd’hui et à jamais. La première communion, pour moi, c’est un pas de plus devant Dieu. Je vais toujours aller faisant de nouveaux pas vers Dieu.
Amen.
Un soir, nous avons fait une « assemblée de la communauté » pour appeler des personnes à se former comme « ministres de la parole », « ministres de l’eucharistie ». Comme quelqu’un demandait à Lani, jeune mère de famille, d’accepter d’être « ministre de l’eucharistie », elle a répondu :
– « Mais je ne suis pas mariée ! »
Et Sandra de répondre :
– « Mais qu’est-ce qui t’empêche de te marier ? »
Dans la foulée, Lani interpelle Lolico son compagnon, à l’autre bout de la petite chapelle, lui demandant :
– « Tu acceptes de te marier ? »
Et Lolico de répondre :
– « J’accepte ! »
A partir de là, une dizaine de familles où les parents ne sont pas mariés dans cette communauté et dans la communauté voisine, ont décidé de préparer ensemble leur mariage et de le célébrer au cours de la messe de la communauté. Ils ont expliqué que c’était le manque d’argent pour payer les formalités à la mairie, pour payer la « taxe » à l’Eglise, pour payer la fête, qui faisaient qu’ils ne se mariaient pas.[1]
En profitant de ce Mois Pradosien, Sandra m’a emmené rencontrer les personnes de la communauté voisine, communauté Saint Antoine, qui se trouve à la limite de l’état de Rio de Janeiro, du Minas Gerais et de Espirito Santo, donc sur trois paroisses et diocèse différents. Le prêtre qui dessert la chapelle Saint Antoine située dans l’état de Rio de Janeiro a abandonné cette communauté et n’y venait plus depuis plus d’un an.
La communauté Sainte Isabelle a décidé de relancer cette communauté, invitant les membres qui habitaient sur notre paroisse à venir participer à nos célébrations, provocant une réflexion pour relancer la catéchèse, le « Circuit biblique », et décidant d’une première mission avec les jeunes de Sainte Isabelle pour visiter toutes les familles le 11 mars. Une autre mission est prévue avec tous les jeunes de la paroisse de Dores qui le souhaitent les 28 et 29 avril pour présenter l’histoire de Paul, suivant le modèle de ce qui avait été fait début janvier dans la partie nord de la paroisse.
Les « pauvres » nous ont vraiment prêché notre Mois Pradosien et Olimpio a parlé d’une « Pentecôte » pour lui. Cela a été un bon moment de partage fraternel entre nous. J’ai pu présenter la spiritualité d’Antoine Chevrier non seulement en théorie mais en m’appuyant sur ce que les membres de cette communauté nous ont donné à voir.
Lancement de l’école d’étude d’Evangile
Suite à l’évaluation de l’année dernière où les gens demandaient plus de formation dans la paroisse de Dores, avec Maria do Soccorro, nous avons lancé une « école de théologie biblique », plus exactement école d’étude d’Evangile à la manière d’Antoine Chevrier.
Ce sont plus de 100 personnes qui ont participé à la deuxième rencontre mensuelle de cette « école », 75 à Dore, 35 Pedra Menina, au pied du Pico da Bandeira. Tous ceux qui sont venus sont arrivés en ayant lu les chapitres 3 et 4 de Luc à la maison, choisi un titre pour chaque passage, copié ce qui est « parole de vie » pour lui. Quelques-uns avaient aussi écrit une prière à partir de tel ou tel passage, fait un récit de où ils voyaient cet Evangile se réaliser aujourd’hui.
La rencontre a commencé par un partage des découvertes, des « paroles de vie ». Ensuite, chacun a fait part de ses questions. Après ce partage initial, j’ai présenté le contenu de la Bible, et, ce faisant, l’histoire simplifiée du peuple d’Israël.
J’espère que ce sera un lieu important de dynamisation de la paroisse et de formation de responsables, d’édification d’un groupe de disciples et apôtres, d’accueil aussi de personnes qui redécouvrent la foi. J’espère aussi les armer contre la tentation des sectes.
Vie d’équipe à Guaçuí et équipe Prado diocésaine
Comme je l’annonçais dans mon précédent courrier, le fait d’avoir une vie de communauté, ainsi que la mission que j’avais en France, a amené Olimpio à nous demander d’accueillir le Père Antenor, 63 ans, de Salvador da Bahia, pour une « année pradosienne », temps de « retraite » sans avoir de charge paroissiale.
Cela nous oblige à être plus attentifs à une vie communautaire, à une vie de prière. Juarez a demandé à ce que nous bloquions chaque jeudi après-midi pour un temps de partage et d’étude d’Evangile ensemble.
Antenor ne vient pas pour s’investir dans la vie pastorale, mais il célèbre une messe chaque jour et assurera le service de la paroisse pendant mon séjour en France cet été.
Son arrivée au milieu de nous nous a amené à lancer une équipe Prado au niveau du diocèse, en plus des rencontres trimestrielles du Prado au niveau de l’état de L’Espirito Santo. La première rencontre est prévue pour le 7 mai. Sur 9 prêtres de notre secteur, 7 ont dit qu’ils participeraient.
Autres événements
Du 29 janvier au 2 février, j’ai participé à la « semaine de spiritualité » du Prado de notre état avec 15 autres prêtres et 15 séminaristes. C’est une retraite ouverte à qui souhaite découvrir le Prado. Cela a été un temps très fraternel.
Du 26 février au 2 mars, nous avons eu la retraite de tous les prêtres du diocèse, temps fort de communion entre prêtres autour de notre évêque. J’avoue cependant être déconcerté par le lieu choisi pour cette retraite. La maison où se font habituellement les rencontres du diocèse est toute simple, mais les prêtres ont demandé à aller ailleurs pour favoriser leur prière. Résultat : voyage en bus toute la nuit, dans un bus mis a disposition gratuitement par une grosse firme et retraite dans une maison religieuse hyper luxueuse. Au lieu de payer 30 R$ par jour, nous avons payé 55 R$ et encore, ils ont négocié les prix parce qu’ils trouvaient cela trop cher, le tout, à la charge des paroisses. Le responsable a utilisé Internet toute la semaine en partant sans payer, parce que c’était cher… J’avoue ne pas comprendre, et encore moins quand un prêtre ordonné l’an dernier qui s’habille régulièrement en soutane a regretté qu’il n’y ait pas eu de temps pour mieux profiter de la maison, de la piscine, du terrain de foot.
Je suis constamment décontenancé par les choix des prêtres du diocèse. Je suis encore plus décontenancé par les jeunes prêtres qui viennent d’être ordonnés et arborent par moment jusqu’à la soutane ce que ne font aucun de leurs aînés.
Je suis par contre très heureux des partages au niveau de notre secteur. Il semble que nous allons avoir une vraie réflexion pastorale cette année, outre une vraie vie fraternelle. Le 3 juin, nous irons ensemble voir le lever du soleil en haut du Pico da Bandeira (2880 m)
Du 5 au 9 mars, j’ai été animer la semaine de spiritualité du Prado de la région de Récife et j’ai pu partager plus avec Antoine Marie Guérin, prêtre français, naturalisé brésilien, qui vit là depuis des années. Là, j’ai trouvé des prêtres avec lesquels le partage était immédiatement facile, à part la langue : il me faut encore beaucoup travailler. J’ai largement entendu parler des prêtres français et d’autre pays qui ont fondé le Prado dans cette région. J’y ai aussi entendu la souffrance liée à l’évêque qui a succédé à Dom Helder Camara, un homme manifestement malade psychologiquement.
Un reportage dans l’émission « Le Jour du Seigneur » de dimanche 29 avril à 10h30 sur France 2
Enfin, je vous signale qu’une équipe du Jour du Seigneur a passé 2 jours à Guaçuí et Dores. Ils préparent un magazine sur l’Eglise du Brésil avant la venue de Benoît XVI. Ils sont venus pour présenter le phénomène de proliférations des Eglises évangéliques pentecôtistes. Je ressens cette évolution comme une véritable « catastrophe ». L’émission passera le dimanche 29 avril à 10h30.
Le tournage a duré 2 jours pour 6 minutes de reportage et il m’est bien difficile de savoir ce qu’ils vont présenter. J’ai peur d’apparaître « sectaire » en alertant contre ce phénomène pour ceux qui regardent de l’extérieur sans voir ce que cela veut dire dans la vie des gens.
Lors du tournage de l’émission, en partageant avec un Pasteur Baptiste de manière très fraternelle, j’ai été saisi par le fossé qui nous sépare et qui est bien au-delà de la vénération ou non de Marie. Pour lui, le choix d’une religion est une option personnelle pour combler un manque existentiel et trouver une paix intérieure. Quand une Eglise nous convient mieux, répond plus à notre attente, « c’est bien logique de s’y inscrire ». Il n’y avait, dans son analyse, aucune inquiétude sur le fonctionnement fondamentaliste de nombre de ces Eglises, sur la manière dont elles coupent les gens d’un rapport au réel, d’un discernement humain, sur le morcellement que cela produit : comment être signe d’un Dieu unique quand nous apparaissons aussi divisés ?
On est très loin de la perception de l’Eglise catholique pour laquelle l’appartenance à l’Eglise est le fruit d’une initiative du Christ appelant des apôtres à le suivre et à être signe de l’amour du Père pour tout homme, appelant à rester « Un » comme lui-même est « Un » avec le Père.
Des phrases de la Passion de Jésus-Christ selon Saint Luc ont retenti fortement en moi dans ce contexte et je les ai particulièrement commentées hier, y compris dans la messe radio diffusée :
– « J’ai ardemment désiré manger la Pâques avec vous », dit Jésus…
Toute l’initiative est du côté du Christ, initiative, désir d’amour de Dieu, qui se dit aussi très fort dans la lettre aux Philippiens qui nous donne de contempler Celui qui s’est abaissé jusqu’à la mort sur la Croix pour révéler l’amour du Père.
Il ne s’agit pas de choisir l’Eglise qui saura m’apporter la paix, mais de se laisser appeler par le Christ et de trouver la paix, certes, mais pas celle du monde, pas la tranquillité. Cette méditation de dimanche résonne aussi avec l’étude d’Evangile que je continue sur les « sentiments » de Jésus et plus largement les sentiments des disciples du Christ dans le Nouveau Testament. La joie, la paix, qui nous sont proposées, sont bien différentes de celles que le monde cherche, joie et paix souffertes, joie et paix qui viennent de la suite du Christ de la crèche à l’eucharistie, en passant par la croix, comme l’exprime si fortement le Père Chevrier dans son Tableau de Saint-Fons.
Cette autre phrase a résonné fortement en moi :
– « Simon, j’ai prié pour toi, pour que, une fois revenu, tu affermisses tes frères. »
S’il y a bien des choses qui m’inquiètent parfois dans l’Eglise catholique, dans telle ou telle position, la non communion des divorcés remariés par exemple, telle ou telle évolution que je signale plus haut, je redécouvre avec force la chance de cette unité autour de la personne de Pierre, la richesse de cette succession apostolique pour nous donner de recevoir le Christ, de nous inscrire dans son initiative, et non pas de construire chacun notre propre Eglise.
Il faudrait plus de nuances, plus de précision pour s’exprimer sur un sujet si complexe, mais je vous livre ainsi quelque chose de ce qui me travaille ici et que je n’ai pas fini de réfléchir et de prier.
En tous cas, si vous regardez cette émission, vous pourrez voir Sandra et sa famille. Vous verrez aussi les merveilleux paysages dans lesquels je vis mon ministère.
Ce week-end, j’ai passé deux jours à visiter toutes les familles d’une communauté rurale toute petite de Guaçuí, communauté d’une vingtaine de familles, communauté qui n’arrivait plus à se rassembler depuis 4 mois. Entre temps, 4 familles sont passées à des Eglises pentecôtistes… Il m’avait semblé qu’elles avaient entendu l’appel à ne pas se laisser disperser, la réflexion sur le Christ qui avait fondé une Eglise, mais elles n’étaient pas là à la messe en fin d’après-midi.
Bonne fête de Pâques
A la fin du mois, j’aurai la joie d’accueillir mes parents et un oncle qui viendront partager une semaine avec moi.
Je serai en France de fin juin à début août, et passerai dix jours à Créteil, mon diocèse, un temps à Lyon, un temps ensuite en famille avec célébration des noces d’or de mes parents. Si j’espère bien apercevoir quelques-uns d’entre vous, je n’essayerai pas de passer rencontrer chacun, c’est bien impossible. J’en ferai aussi un temps pour souffler et faire silence après 20 mois bien occupés et sans temps de repos.
Je souhaite à chacun d’entre vous une bonne fête de Pâques, que nous n’en finissions pas d’accueillir le ressuscité et de le laisser nous envoyer en mission pour que tout homme se sache aimé, à commencer par les plus pauvres, que nous laissions résonner en nous cette prière du Christ pour que nous soyons « Un », que l’Esprit nous aide à annoncer le Christ de manière juste dans ces circonstances nouvelles.
Bruno Cadart
[1] A noter que le diocèse de Cachoeiro de Itapemirim réfléchit à supprimer toutes les « taxes » pour les sacrements et fait un effort pour conscientiser les gens sur le denier de l’Eglise. Malheureusement, il le fait en utilisant les services d’un groupe de missionnaires catholiques qui a une argumentation très fondamentaliste et proche de ce qui se voit dans des Eglises comme l’assemblée de Dieu, du type : « depuis que je donne plus de 10% de mes ressources au denier de l’Eglise, Dieu me protège et je n’ai jamais manqué de rien, je n’ai plus connu la pauvreté. »