Mission prolongée à Dores (octobre 2007)

Chers amis,

Voilà bien longtemps que je n’ai pas donné de nouvelles, et ce, pour diverses raisons :

–     les premiers courriers disent bien ce je découvre et que je continue à vivre jour après jour, et, plus le temps passe, plus il est plus difficile d’écrire, sauf à me répéter ;

–     il y a eu l’interruption des 8 semaines hors du Brésil, occasion de retrouver quelques-uns d’entre vous, de reprendre contact avec le diocèse de Créteil, avec le Prado de France, avec la famille ;

–     il y avait aussi une incertitude sur mon avenir et j’attendais d’en savoir plus avant d’écrire de nouveau.

J’avais été mis à disposition du Prado par notre évêque, le Père Daniel Labille, pour contribuer à faire connaître la spiritualité du Père Chevrier là où le Prado souhaiterait m’envoyer.

Arrivé au Brésil le 1er novembre 2005, j’ai été envoyé pour 2 ans, susceptibles d’être prolongés en fonction des nécessités, des possibilités, et de ce qui aurait pu naître ici. J’arrive au terme de ces deux ans. Je suis venu ici à la demande de l’évêque de Cachoeiro de Itapemirim. Il avait accepté qu’Olimpio soit élu responsable du Prado du Brésil et souhaitait que le Prado envoie un prêtre et pouvoir ainsi libérer le Père Olimpio de toute charge dans le diocèse pour être au service du Prado du Brésil.

En juillet de cette année, l’assemblée générale du Prado international a confirmé le Père Robert Daviaud comme responsable général du Prado et a élu Aristeu, un Brésilien, comme 3ème permanent au service du Prado. En septembre, l’assemblée du Prado du Brésil a confirmé Olímpio comme responsable du Prado du Brésil et le conseil du Prado du Brésil a demandé à ce que je puisse continuer à assurer un service de formation au Brésil.

Robert Daviaud m’avait demandé de lui dire ce que je percevais, avant de décider de la suite à donner à ma mission. J’ai redit ma disponibilité pour quelque mission que ça soit, tout en exprimant toutes les raisons qui m’amenaient à souhaiter pouvoir continuer là où je suis actuellement.

Après l’assemblée du Prado du Brésil, Robert Daviaud est venu rencontrer l’évêque de Cachoeiro de Itapemirim. Ils m’ont reconduit pour 4 ans susceptibles d’être prolongés, toujours avec une double mission :

–     être à disposition du Prado du Brésil, aidant des prêtres à découvrir la spiritualité du Père Chevrier ;

–     avoir une insertion en paroisse, en priorité à Dores do Rio Preto, tout en continuant à avoir une vie d’équipe à Guaçuí, au pied du Pico da Bandeira (2880 m), à la frontière entre Minas Gerais, Rio de Janeiro, et Espirito Santo.

Ces jours-ci, avec le diocèse de Créteil, nous disons au revoir au Père Daniel Labille et nous accueillons notre nouvel évêque : le Père Michel Santier. Je reste marqué par la manière dont le Père Labille m’a mis à disposition du Prado.

Je suis heureux d’avoir été accueilli par le Prado du Brésil, de le voir grandir, de voir qu’il offre au Prado un permanent international, de voir qu’il grandit plus au niveau des régions. Nous avons démarré une équipe au niveau du diocèse et non plus seulement au niveau de l’état. Cela fera moins de kilomètres pour se retrouver et permettra des rencontres mensuelles. Il y a douze équipes de prêtres en « Première Formation[1] » réparties dans tout le Brésil. Je dois accompagner une équipe qui va se réunir à Florianópolis (au sud est du Brésil).

Nous avons pu faire imprimer une traduction du « Véritable Disciple », livre du Père Chevrier, en portugais. Cela va aider à faire connaître cette spiritualité qui rejoint si fort la recherche de l’Eglise d’Amérique Latine avec la conférence de Na Sra Aparecida sur le thème : « Disciples et Missionnaires de Jésus Christ pour qu’en Lui nos peuples aient la vie ». Nous allons faire le même travail pour arriver à imprimer les lettres du Père Chevrier qui viennent d’être traduites par le Prado du Portugal.

Juarez, 37 ans, qui m’a si bien accueilli ici, termine la première formation du Prado et va demander à faire son engagement. Il devait partir étudier le Droit Canon à Rome, mais, comme plusieurs prêtres du diocèse traversent de fortes difficultés, l’évêque lui a demandé de continuer son travail à Guaçuí. Je suis heureux de continuer cette vie d’équipe avec lui et avec le Père Pedro (77 ans). Antenor termine son année pradosienne à Guaçuí fin décembre et retourne dans son diocèse près de Salvador.

Comme je le disais dans mon dernier courrier, nous nous sommes réorganisés : je suis plus impliqué sur la paroisse de Dores et Juarez à Guaçuí. Cela me permet de ne pas seulement célébrer des sacrements mais de pouvoir accompagner réellement une paroisse, des communautés, des personnes.

Aujourd’hui, ma semaine s’organise ainsi :

–     du lundi (en principe jour de repos) au mardi midi, à Guaçuí : temps de travail personnel ;

–     du mardi midi au mercredi soir, à Dores ;

–     jeudi à Guaçuí pour un temps de travail personnel, un temps d’étude d’Evangile et de partage avec Juarez et Antenor, une messe à Guaçuí ;

–     vendredi matin à dimanche soir, à Dores.

Ce rythme est coupé par l’animation de diverses sessions.

Quelques flashs :

La conférence du “C.E.L.A.M.” à Na Sra Aparecida:
  • il y a bien sûr la tristesse, la révolte même, y compris d’évêques (cf. divers articles de La Croix), parce que le texte adopté en assemblée a été trafiqué par deux évêques avant d’être remis à Benoît XVI, en enlevant notamment des références aux communautés de base. Ceci dit, la conférence s’est bien passée et Benoît XVI a eu cette parole très forte disant que « l’option préférentielle pour les pauvres n’était pas une option de l’Eglise, mais une option du Christ ». L’organisation de l’Eglise en communautés de base a été largement confirmée. Il y a de très beaux passages et j’y trouve un fondement pour tout le travail que nous faisons à Guaçuí et Dores, en particulier pour l’école d’étude d’Evangile. Il y a aussi des paroles très fortes pour alerter une Eglise qui se ferme et n’aide pas les gens à s’impliquer dans la vie de la société pour la transformer. Il y a un profond souffle missionnaire dans ce texte, appelant à trouver ce dynamisme dans la rencontre personnelle du Christ, en particulier dans sa Parole.
L’école d’étude d’Evangile
  • Elle existe depuis 9 mois. Lors de la deuxième rencontre, 100 personnes ont participé, 70 à Dores et 30 dans un village à 30 km. Le nombre s’est stabilisé à 30 à 40 participants au total. Chacun vient en ayant lu 2 chapitres de Saint Luc, choisi des « paroles de vie », écrit une prière à partir des de tel ou tel verset. La rencontre commence par un partage des prières écrites par chacun. Ensuite, nous nous répartissons les deux chapitres et chaque groupe, à tour de rôle présente un passage. Depuis quelques rencontres, quelques personnes totalement illettrées participent. Je leur lis le passage 3 ou 4 fois, puis ce sont eux qui le présentent aux autres. Je reste absolument émerveillé de tout ce qu’ils font découvrir. Si l’on ajoute tous ceux qui se retrouvent chaque semaine pour lire l’Evangile du dimanche avec leurs voisins au sein des « Circuits Bibliques », c’est vraiment une caractéristique forte de l’Eglise en Amérique Latine, que de se nourrir de l’Evangile, même si cet effort est toujours à reprendre, à reproposer.
Les missions avec les jeunes :
  • Ils étaient 9 au départ de la première mission, 36 au bout de 3 jours, 55 à la mission de mai, 77 en août. Le schéma de la dernière était le suivant :
  • samedi matin, étude d’Evangile le pour se préparer à passer prier et partager de maison en maison ;
  • répartition des jeunes en trois groupes et visite dans toutes les maisons de 3 communautés voisines, avec partage d’Evangile sur la conversion de Paul puis bénédiction de la maison ;
  • Samedi soir, proclamation pendant 40 minutes de l’histoire de Paul dans les Actes des Apôtres devant la communauté réunie, partage sur ce que cette écoute fait naître en chacun, puis liturgie eucharistique ;
  • Dimanche matin : temps de « récollection » avec les jeunes. Lors de la dernière mission, nous leur avons donné de larges extraits de la lettre aux Ephésiens puis, après un temps de partage, nous leur avons proposé d’écrire leur « réponse à Saint Paul ».
  • Dimanche après-midi, visite d’une quatrième communauté et célébration de l’eucharistie.

      Petit à petit, les jeunes prennent confiance, quelques-uns participent à l’école d’étude d’Evangile. Ils viennent partager leurs questions.

      Pour la prochaine mission qui aura lieu dans la ville de Dores, le temps de récollection a été pensé de la manière suivante : étude d’Evangile sur la lettre aux Philippiens, puis carrefours sur des sujets qui les touchent. Les délégués venus préparer cette mission ont retenu 4 thèmes : pour ou contre l’avortement, alcool et drogue, préjugés, relations parents enfants. Je ne sais comment cela va se passer, mais la préparation du carrefour sur l’avortement a déjà permis une réflexion intéressante. J’aimerais arriver à questionner le fait que tant de filles de 13 ans, parfois moins, se retrouvent avec des personnes de 21, 30 et même 70 ans, de manière publique, sans que cela ne semble choquer.

  • L’Eglise du Brésil lance la « Pastorale de la Sobriété ». C’est un des chantiers que j’appuie plus. Nous en sommes au tout début, à l’appel lancé pour que des personnes se forment pour porter cette préoccupation au niveau des communautés.
  • La communauté Sainte Isabelle dont j’ai largement parlé dans les précédents courriers, continue son chemin. Il y a maintenant plusieurs ministres de la Parole et de l’eucharistie. Le 2 septembre, dans la messe de la communauté, j’ai célébré 3 mariages, 16 premières communions d’adultes et adolescents, suite a ce qui a germé pendant le Mois Pradosien. Suite à cette célébration, d’autres personnes demandent le baptême, la communion, la confirmation, le mariage, tout cela dans une petite communauté. Cette communauté a appuyé la refondation d’une communauté voisine qui ne se réunissait plus. De temps en temps, il faut passer en urgence parce qu’il y a eu un conflit. De manière générale, dans une réalité rurale – mais c’était déjà vrai en banlieue -, il nous est souvent donné d’être « ministre de la réconciliation ». Les membres de l’Assemblée de Dieu de la communauté Sainte Isabelle ont été très touchés que je leur présente mes parents quand ils sont passés me visiter. Ils ont demandé à lire la Bible avec moi. J’y ai été, mais il n’a pas été possible de sortir d’une lecture contradictoire, polémique. Comme la communauté demande à ce que « l’école d’étude d’Evangile » se fasse aussi au sein de la communauté, j’espère pouvoir faire signe aux membres de l’Assemblée de Dieu pour venir participer de l’étude des Actes des Apôtres que nous allons faire l’an prochain.

Il me reste à continuer à travailler la langue pour être plus à même d’animer les retraites ou sessions de Première Formation.

En passant en France, j’ai été marqué par l’évolution de nos communautés, l’âge des prêtres, les soucis de santé des uns et des autres. J’ai entendu tel ou tel prêtre ami proche dire combien il ne comprenait pas que je puisse être hors de France quand il y a de tels besoins à Créteil. J’ai accueilli ce questionnement qui rejoint des questions que je porte aussi.

Mais les difficultés fortes qui marquent plusieurs prêtres du diocèse de Cachoeiro de Itapemirim et reflètent les défis auxquels sont confrontées d’autres Eglises, le besoin de formation et d’enracinement en Christ que ces difficultés traduisent, l’enjeu de partager une spiritualité qui lie profondément au Christ, aux hommes, aux plus pauvres en particulier, à l’Eglise, l’étape que vit le Prado du Brésil, me font percevoir aussi l’intérêt de la mission reçue.

Je rends grâce d’être associé à l’oeuvre de Dieu dans cette Eglise si contrastée, mais aussi marquée par un vrai dynamisme. Je rends grâce pour l’envoi par le Prado et par l’Eglise de Créteil, pour la confiance avec laquelle l’évêque de Cachoeiro de Itapemirim et le Prado du Brésil m’ont accueilli.

Je rends grâce pour tout ce que nous avons reçu du Père Daniel Labille et m’associe à la prière du diocèse de Créteil qui accueille le Père Michel Santier.

Voilà, sur ces quelques nouvelles, je redis à chacun mon amitié et ma prière et combien je compte sur la vôtre.

Si tel ou tel souhaite venir passer quelques jours pour découvrir une autre Eglise, il sera bienvenu.

Bruno

[1]      La première formation se fait sur deux ans en 4 sessions annuelles pour permettre aux prêtres qui le souhaitent de découvrir la spiritualité du Père Chevrier et de demander à faire un engagement dans l’Association des Prêtres du Prado.

Ce contenu a été publié dans Brésil. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire