Formations pour le Prado, lecture des Actes dans les communautés, chemin avec un entrepreneur ne déclarant pas ses employés, etc. (mai 2008

Chers amis,

Je profite de cette fête de la Pentecôte pour donner des nouvelles, toujours heureux de recevoir les vôtres.

Je le fais en donnant quelques échos et en donnant la traduction de quelques articles du journal paroissial de Dores du mois de juin.

1. Formation du Prado

1.1 Semaine de spiritualité animée à Salvador sur le thème « Disciples et Missionnaires »

En janvier, j’ai animé la « Semaine de Spiritualité du Prado » de l’état de la Bahia sur le thème « Disciples et Missionnaires » qui rejoint le thème de la Conférence des évêques d’Amérique Latine en mai 2007 au Brésil, à Aparecida. Vous avez sans doute entendu parler des transformations faites par quelques évêques après que le texte ait été voté. Ce texte demeure une base très intéressante pour appuyer un travail missionnaire ici, un fruit inattendu de l’Esprit Saint, tant on pouvait craindre un texte très différent, vue la composition de l’assemblée. Benoît XVI, aura marqué très profondément cette conférence en faisant qu’elle ait lieu, qu’elle ait lieu en Amérique Latine et non à Rome, et en affirmant que « l’option préférentielle pour les pauvres n’est pas une option de l’Eglise mais du Christ ».

J’ai aimé travailler ce texte qui rejoint de multiples aspects de la spiritualité du Prado. Les communautés de base en sont aussi ressorties largement confirmées et j’ai la chance d’être dans un diocèse et dans un état dans lequel les évêques précédents ont fait un immense travail de structuration de l’Eglise à partir de communautés ecclésiales de base se nourrissant de l’Evangile.

Voici trois paragraphes du Document d’Aparecida parmi de multiples autres, que nous avons largement lus et relus ici, publiés dans le journal paroissial, médité de rencontre en rencontre. En fin de lettre, vous trouverez ceux que nous publions dans notre journal paroissial de juin.

Paragraphe n° 12 : Nous devons tous recommencer à partir du Christ

Ne résisterait pas longtemps aux assauts du temps une foi catholique réduite à un bagage, à un catalogue de quelques normes et interdictions, à des pratiques de dévotion fragmentées, à une adhésion sélective et partiale aux vérités de la foi, à une participation occasionnelle à quelques sacrements, à la répétition de principes doctrinaux, à un moralisme mou ou crispé qui ne convertisse pas la vie des baptisés. Ce qui nous menace le plus, c’est le triste pragmatisme de la vie quotidienne de l’Église, dans lequel apparemment tout arrive normalement, alors qu’en réalité, la foi s’affaiblit et dégénère en mesquinerie. Nous devons tous recommencer à partir du Christ, reconnaissant que l’on ne commence pas à être chrétien par une décision éthique ou une grande idée, mais par la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne un nouvel horizon à la vie et, avec cela, une orientation décisive.

Paragraphe n° 14 : Pas d’autre trésor que la rencontre du Christ

Le Seigneur nous dit « N’ayez pas peur » (Mt 28,5). Comme aux femmes, le matin de la Résurrection, il nous répète « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » (Lc 24,5). Les signes de la victoire du Christ ressuscité nous encouragent, alors que nous demandons la grâce de la conversion et maintenons vivante l’espérance qui ne trompe pas. Ce qui nous définit, ce ne sont pas les circonstances dramatiques de la vie, ni les défis de la société, ni les tâches que nous devons entreprendre, mais c’est avant tout l’amour reçu du Père grâce à Jésus-Christ par l’onction de l’Esprit Saint. Cette priorité fondamentale est celle qui a présidé à tous nos travaux, les offrant à Dieu, à notre Église, à notre peuple, à chacun des latino-américains, tandis que nous adressons à l’Esprit Saint notre supplique confiante afin que nous redécouvrions la beauté et la joie d’être chrétiens. Voici le défi fondamental que nous affrontons : montrer la capacité de l’Église à promouvoir et à former des disciples et des missionnaires qui répondent à la vocation reçue et communiquent partout, par débordement de gratitude et de joie, le don de la rencontre avec Jésus-Christ. Nous n’avons d’autre trésor que celui-là. Nous n’avons d’autre bonheur, ni d’autre priorité que d’être instruments de l’Esprit de Dieu, en Église, pour que Jésus-Christ soit rencontré, suivi, aimé, adoré, annoncé et communiqué à tous, malgré toutes les difficultés et toutes les résistances. Voilà le meilleur service – son service – que l’Église doit offrir aux personnes et aux nations.

Paragraphe 29 : Que la joie de la rencontre de Jésus-Christ atteigne tous les hommes et toutes les femmes blessés par les adversités

La joie que nous avons reçue, grâce à la rencontre de Jésus-Christ que nous reconnaissons comme le Fils de Dieu incarné et rédempteur, nous souhaitons qu’elle atteigne tous les hommes et toutes les femmes blessés par les adversités. Nous souhaitons que la joie de la bonne nouvelle du Règne de Dieu, de Jésus-Christ vainqueur du péché et de la mort, arrive à tous ceux qui gisent au bord du chemin, demandant l’aumône et la compassion (Cf. Lc 10, 29-37). La joie du disciple est l’antidote face à un monde qui a peur du futur et qui est épuisé par la violence et la haine. La joie du disciple n’est pas un sentiment de bien-être égoïste mais une certitude qui naît de la foi, qui apaise le cœur et qui rend capable d’annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu. Connaître Jésus, est le meilleur cadeau que peut recevoir toute personne. De l’avoir rencontré, est pour nous ce qui est le mieux qui nous soit arrivé dans la vie, et le faire connaître par notre parole est notre joie.

1.2 Première Formation du Prado et traduction des lettres du Père Chevrier

J’ai aussi retrouvé l’équipe de Première Formation de Florianópolis qui s’est agrandie.

Il me reste à trouver le temps d’avancer dans la correction de la traduction des Lettres du Père Chevrier.

2. Evangélisation de la prise en charge matérielle de la vie de l’Eglise

J’ai la joie de voir les gens de la paroisse tout heureux d’avoir mis de côté tout ce qui est don public, vente aux enchères, toutes les « taxes » pour recevoir des sacrements, et de voir le denier de l’Eglise augmenter, signe que les gens ont vraiment entendu le message. L’évêque nous a envoyé une lettre de confirmation forte du travail fait. Il n’y a plus personne pour souhaiter revenir en arrière. Cependant, comme nous avons augmenté les dépenses (participation à la vie matérielle des sœurs, partage avec la conférence Saint Vincent de Paul), la situation financière de la paroisse reste précaire.

3. Ecole de théologie biblique

Comme je l’expliquais dans mon courrier précédent, nous avons lancé une « école de théologie biblique » qui se fait dans chaque communauté à l’issue de la messe mensuelle, souvent de 20h à 21h après la messe de 19h, sachant que les gens se lèvent à 5h, qu’ils ont parfois une heure de marche dans la nuit et souvent dans la boue pour rentrer chez eux. Au mois de mars, ce sont 258 personnes de tous âges qui ont participé à ces partages de communauté en communauté, dans une paroisse de 7000 habitants. De nombreuses personnes illettrées ont participé activement.

Ceux qui le peuvent lisent un ou deux chapitres des Actes des Apôtres et viennent en ayant choisi des paroles de vies et écrit une prière à partir de tel ou tel verset. La rencontre se passe ainsi : on commence par la proclamation des prières, puis quelqu’un lit un passage, chacun donne la parole de vie de ce passage. Ensuite, en fonction de ce qui se dit dans le passage, une autre question permet d’approfondir.

Sur le chapitre 1, nous avons regardé comment l’Eglise naît d’une initiative de Jésus et non pas de tel ou tel apôtre qui fonde son Eglise. Nous avons souligné la place de Pierre, de Marie, la manière de remplacer Juda, en faisant le rapprochement avec la manière d’élire les responsables des communautés ecclésiales de base. C’est une manière de fortifier la foi des catholiques face à cette prolifération d’églises protestantes et à leur message qui attaque sans cesse la foi catholique.

Le chapitre 2, récit de la Pentecôte a été l’occasion de longs partages sur : où avons-nous fait l’expérience de l’Esprit Saint au cours des mois précédents ? Nous avons aussi pu vérifier comment nos communautés ecclésiales de base sont à l’image de la communauté chrétienne primitive, assidues à l’écoute de la Parole, au partage du pain, à la communion fraternelle. Nous avons regardés les « prodiges » qui s’y vivent, et mis en relation avec tout ce qui se vit pour transformer les situations de mort, d’exclusion. Quant aux premières communautés qui mettaient tout en commun, chacun a pu faire le lien avec le travail de conscientisation sur le denier de l’Eglise et le partage qui se vit avec les plus pauvres.

La lecture des chapitres 3 et 4, du récit de la guérison du paralytique du temple par Pierre et Jean, puis de leur discours devant la foule et de leur comparution devant le tribunal ont été l’occasion d’une recherche sur « Comment agir avec l’Esprit Saint ? ». C’est une occasion d’aider à sortir de la foi piétiste qui se généralise, laissant de côté tout engagement pour lutter contre les exclusions de toute sorte. C’est une occasion aussi d’alerter sur les dérives du mouvement pentecôtiste, qu’il soit protestant ou catholique, où l’action de l’Esprit Saint se confond avec une émotion provoquée et une fuite dans l’irréel, un abandon de la raison, une manipulation de l’autre. Nous les avons aidés à voir comment l’action avec l’Esprit Saint n’est pas un phénomène magique, mais tout un processus associant :

–     prière,

–     regard qui sait voir le pauvre, l’exclu et s’engager pour sa libération,

–     relecture en Eglise et devant ceux qui ne sont pas en Eglise en s’aidant de la raison à la lumière de l’Evangile,

–     foi que Jésus est vivant aujourd’hui et agit,

–     travail pour que chacun puisse voir en nous, à tout instant le Christ pour reprendre l’expression de Stéphanie, 15 ans de Champigny qui disait : « Quand Pierre dit au paralytique, ‘regarde-nous bien’, est-ce qu’il ne dit pas ‘regarde en nous le Christ ?’ »,

–     préférer obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes et accepter le passage par la croix,

–     vivre une pauvreté évangélique, n’avoir « ni or ni argent », être obligé de passer par le même chemin que le Christ, se donner soi-même et donner le Christ.

Ils n’ont pas eu de mal à faire le lien avec la guérison de Elielton et la fondation de la pastorale de la sobriété, avec des réconciliations vécues dans les communautés de visite en visite, avec le travail pour aller à la rencontre des plus pauvres pour proposer tous les sacrements, dont celui du mariage.

4. Difficile « Œcuménisme », relations avec l’Eglise Baptiste

Depuis quelques temps, une des églises baptistes de Dores nous pose problème. Rien qu’à Dores, il existe « l’Eglise Baptiste » (sans autre précision), « l’Eglise Baptiste Eliezer », « l’Eglise Baptiste Renouvelée », sans compter toutes les autres églises.

Cela a commencé par l’absence de toute réponse de quelque Eglise que ça soit à une invitation que nous avons faite en septembre 2007 par écrit à tous les pasteurs de Dores pour déjeuner ensemble et se connaître à l’occasion de notre fête paroissiale.

Ensuite, participant ensemble à une rencontre à l’invitation d’une école primaire, un pasteur de l’Eglise Baptiste s’est arrangé pour partir en dérangeant de multiples personnes pour ne pas avoir à passer à côté de moi et à me saluer.

Un autre pasteur, je pensais que c’était le même, a fait venir des pasteurs américains, avec quelqu’un pour faire la traduction, pour faire des interventions dans les écoles sur un sujet général, profitant alors pour annoncer le Christ, demander aux enfants de fermes les yeux, demandant à ceux « qui avait fait l’expérience du Christ » de lever le doigt, parlant de ceux qui boivent de l’alcool en quelque circonstance que ce soit de « fous ». Des enfants catholiques se sont sentis agressés par ces interventions.

Pour finir, il y a eu l’enterrement d’une femme de 28 ans, morte de sida, à la chapelle mortuaire. A 9h, j’ai été voir qui était là. J’ai parlé avec sa maman, originaire de la ville voisine, membre de la Légion de Marie (mouvement très sympa même si le nom résonne mal à nos oreilles françaises). Elle a demandé à ce qu’une célébration soit faite à 17h par l’Eglise catholique. Avant de m’en aller à d’autres occupations, j’ai proposé, avec l’accord de cette maman, que nous prions un instant ensemble. Il y avait une quinzaine de personnes dans le salon mortuaire et dans la rue. Toutes sont venues sauf une qui s’est éclipsée sans que je ne m’en rende compte, sans que je la connaisse. Je l’ai su plus tard quand quelqu’un est venu m’informer que le pasteur de l’Eglise Baptiste était là, qu’il est sorti quand j’ai appelé les gens à prier, qu’il a lancé une célébration à 16h30 et fait accélérer l’enterrement pour que le ministre de la Parole Catholique ne puisse faire sa célébration.

Cela faisait beaucoup en peu de temps. J’ai été frapper à la porte du Pasteur qui n’était pas celui que je croyais trouver. J’ai été reçu par Keyni, un jeune pasteur de 28 ans, sa femme Fabiola et leur fille de un an. Après avoir expliqué le pourquoi de ma visite et énuméré d’emblée tous les griefs ci-dessus, je leur ai dit que je venais pour les inviter à venir déjeuner, que nous puissions nous connaître et nous comprendre et sortir de ce climat qui ne correspondait pas à l’Evangile.

L’échange a été très fraternel. Le débat le plus long a porté sur les interventions dans les écoles. Je lui ai fait part des blessures ressenties par des jeunes, des parents, et lui ai demandé ce qu’il penserait si toutes les églises allaient faire des topos, si l’Eglise Universelle du Règne de Dieu le faisait. Il s’est dit immédiatement contre. Je lui ai dit que nous allions rencontrer les directeurs d’école pour leur demander de ne plus laisser faire ces interventions par des églises au sein de l’école. Cela a trouvé un écho très favorable chez ceux que j’ai déjà pu rencontrer. La laïcité est vraiment quelque chose de juste, dès lors qu’elle est vécue de manière non crispée, encore plus en ce moment de montée des fondamentalismes et prosélytismes dans toutes les Eglises.

Le Pasteur Keyni est venu déjeuner avec sa femme et sa fille le mercredi 26 mars. Je les ai fait parler longuement de leur itinéraire, de son ministère, de leur rencontre du Christ. Originaire de Vitória, capitale de notre état, située sur la côte à 250 km de Dores, il a toujours été baptiste, ne pratiquait plus, jusqu’à ce qu’il aime Fabiola. Il a étudié au séminaire en cours du soir et quitté son travail de représentant commercial pour arriver à Dores, il y a un an, sans connaître personne. Il est responsable en tout et pour tout de son temple dans le centre de Dores. Les autres temples du territoire de la paroisse de Dores ne dépendent pas de lui. 60 personnes forment la communauté. Il m’a expliqué qu’il recevait son salaire des Eglises de Vitória, (vraisemblablement, avec les dons des Etats-Unis). Les temples baptistes, même dans les hameaux les plus reculés sont immenses, bien plus riches que les chapelles catholiques, et ne peuvent avoir été financés par la population locale. Il est Pasteur à plein-temps. Il a expliqué comment il se présentait dès qu’il y avait un mort pour entrer en contact avec la famille.

Nous avons eu un long temps de partage sur le « prosélytisme », « un péché horrible selon la Bible », m’a-t-il dit… Je l’ai invité à venir prêcher à la messe du dimanche 4 mai, lancement de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens au Brésil. Cela a été un moment très fort.

Dans un même temps, nous réfléchissons sur comment mettre des limites à ce travail de bulldozer : le pharmacien, ex séminariste jésuite, a raconté comment s’est passée la visite du Pasteur Keyni et de pasteurs américains à son magasin, puis à son domicile, pour le convaincre de venir « faire l’expérience du Christ », sous entendu, il ne l’avait pas faite avant, et passer à l’Eglise Baptiste.

Au-delà de tout ce qui m’agresse dans la pratique de ce frère Baptiste, se retrouver à accueillir la Parole de Dieu proclamée par lui, prier le Notre Père en se donnant la main, répondre ainsi aux multiples agressions que Keyni lui-même avait reconnues, le voir pleurer d’avoir été invité et accueilli, me donne à réfléchir et prier et a beaucoup touché l’assemblée.

5. Lettre de protestation contre le fait de pousser les jeunes à boire

Etant à Dores depuis 2 ans et demi, je commence à percevoir plus clairement ce qui peut détruire l’homme ici, à être en situation d’avoir à parler, sans pouvoir me dérober, mais toujours en question sur comment le faire de manière juste.

Je l’ai fait avant Pâques en écrivant une lettre à un organisateur de bal faisant une publicité forte avec « voitures de son » (voiture avec haut parleur) pour inviter au bal du samedi saint avec comme argument majeur : la bière à 50 centimes. Ce sont deux mille jeunes de toute la région qui étaient attendus. C’est, à chaque fois, de nombreux jeunes, y compris des mineurs, totalement ivres sans que personne ne réagisse.

Dans cette lettre, nous nous disions scandalisés par cette incitation à boire et demandions à ce que le prix soit changé, que la publicité ne porte pas sur le fait de boire, que des mesures soient prises pour protéger les mineurs. Nous, c’est-à-dire la responsable de la paroisse, la responsable de la communauté de l’Eglise Matrice, la responsable paroissiale de la Pastorale de la sobriété, et moi-même.

Nous avons adressé copie de cette lettre au juge, au service de protection des mineurs, au maire. Les services publics ont fait une inspection des conditions de sécurité de ce bal et d’un autre bal qui devait avoir lieu et ont interdit les deux bals, ce que nous n’avions absolument pas demandé. De fait, les conditions n’étaient absolument pas remplies. Le bal a été transféré dans la ville voisine, dans l’état voisin, à 10 km, puisque Dores est la ville frontière.

Le propriétaire a perdu pas mal d’argent dans cette opération. Il a commencé par nous calomnier en présentant la lettre comme un acte politique partisan, en la faisant connaître à sa manière.

3 semaines après, apprenant que le propriétaire du bal avait refusé d’être parrain de baptême en réaction à cet évènement, J’ai été frapper à sa porte. Nous avons parlé deux heures dans un climat devenu très fraternel. J’ai béni la salle de bal, et j’ai été invité à déjeuner dans la propriété qu’il a à 3 km de Dores, où il tient un bar avec lieu de baignade dans une grande cascade.

C’est un lieu où beaucoup de jeunes se retrouvent. C’est aussi un lieu de prostitution, de drogue, d’alcoolisation de mineurs, avec son accord plus ou moi explicite, même si j’ai des témoignages qu’il a essayé d’intervenir une fois et été menacé par les personnes qu’il questionnait sur leurs pratiques illégales et immorales.

Il a fini par dire qu’il aurait aimé mettre une statue de Notre Dame d’Aparecida dans une grotte à côté de la cascade et pensait me demander d’aller la bénir, mais, après ce qui s’était passé, il pensait que ce n’était pas convenable et que jamais je n’accepterais. J’ai répondu que, s’il y avait un lieu où Marie aurait toute sa place, c’est bien au milieu de ces jeunes et que j’acceptais d’aller bénir cette statue. Je dois aller déjeuner chez lui et faire cette bénédiction, mais pas un jour d’ouverture au public.

Là, j’ai même pu lui dire que je savais qu’il avait été menacé en essayant de s’opposer à la débauche. Il en était tout étonné. Nous avons lancé l’idée d’une rencontre des professionnels de l’alcool pour réfléchir sur comment lutter contre cette maladie si omniprésente à Dores. Je doute que ça se fasse, mais je fais très fort l’expérience, que je ne peux pas appeler à la conversion sans aimer la personne, sans me faire proche, sans me taire pour autant.

6. Aller ou non célébrer dans une fazenda

6.1 Une situation d’esclavage moderne

Quand nous sommes arrivés à Dores, nous avons été contactés par « Monsieur Jean-Baptiste », connu sous le surnom de « Baba », un « Fazendeiro », propriétaire d’une fazenda et d’une scierie. Il est venu demander à Juarez de célébrer dans la chapelle de sa Fazenda.

Pendant des années, la communauté du lieu se réunissait là, jusqu’à ce qu’un conflit entre le fazendeiro et la communauté chrétienne amène à construire une autre chapelle à 2 km de là et à ne plus célébrer dans la fazenda.

Le conflit avait tenu à une demande de l’évêque qu’il n’y ait plus de chapelle sur un terrain n’appartenant pas à l’Eglise et demandant à ce qu’une donation soit faite du terrain devant notaire pour chaque chapelle du diocèse construite sur un terrain appartenant à quelqu’un d’autre. Le but était de sortir absolument de cette dépendance des « Fazendeiros ». La famille avait alors donné exclusivement le terrain de la chapelle, sans espace autour, sans accès possible autrement qu’en traversant leur terrain privé.

Juarez a travaillé à une réconciliation et, en accord avec la communauté locale, a accepté de célébrer la Sainte Rita, patronne de cette chapelle. Courant octobre 2007, j’ai été contacté par la famille pour célébrer un mariage le 3 novembre. Bien que cette manière de faire soit curieuse, de prévenir 3 semaines avant, j’ai accepté de célébrer ce mariage dans la chapelle de la famille, recevant au mieux la famille. Il était convenu qu’ils m’inviteraient un jour à déjeuner.

En février, je croise Jean-Baptiste sur la piste qui va de cette Fazenda à la communauté et j’ai proposé de marquer une messe le 22 mai, pour la fête de Santa Rita.

Le 1er mai, j’ai célébré la fête de la communauté Saint Joseph de la Montagne Verte, communauté qui est née de la fermeture de la communauté Santa Rita. Ana-Claudia, ministre de la Parole, n’arrivait pas à préparer le témoignage qu’elle avait promis de faire pour le journal paroissial. Après la messe, je l’ai raccompagnée chez elle pour l’aider à faire ce témoignage.

Son mari, est rentré à 21h30 du travail à la scierie qui appartient à Jean-Baptiste. Comme je m’étonnais qu’il travaille un 1er mai, il a expliqué qu’il travaillait presque tout le temps 7j sur 7, commençant à 7h du matin, que là, il était rentré « tôt », mais qu’il pouvait rentrer à 2h du matin s’il y avait un camion à charger. Il conduit un fenwick. Il a expliqué qu’il n’avait jamais de vacances, même si elles lui étaient payées, que seuls 4 des 60 employés étaient déclarés, qu’ils se cachaient quand un inspecteur du travail venait, que la scierie était en train d’être déclarée sous un autre nom et divisée en deux entreprises pour échapper à des lois sociales et à des impôts, et que, quand il vont présenter leur chèque à la banque pour recevoir le salaire, le plus souvent, le compte n’est pas approvisionné. En questionnant autour de moi, tout est confirmé et il m’est aussi dit que ses camions circulent de nuit, pour pouvoir passer la frontière qui passe à Dores entre les deux états du Minas Gerais et de l’Esprit Saint sans payer les taxes.

Je ne savais plus que faire : célébrer ou non, et si je célébrais, que dire ? Je remercie vivement ceux que j’ai consultés et qui m’ont conseillé. Ce sont les personnes qui ont dénoncé la situation qui ont emporté ma décision : ils ne comprenaient pas que j’annule cette messe. J’ai donc décidé d’aller voir Jean-Baptiste, lui remettre une lettre, évoquer cette situation d’injustice pendant la messe sans insister, publier cette lettre dans le journal paroissial en supprimant tout ce qui était nominatif, pour que d’autres personnes, ayant des pratiques similaires à celles de cet homme puissent lire cet appel.

Voilà cette lettre telle qu’elle a été transmise à Monsieur Jean-Baptiste. Vous trouverez aussi mon éditorial du mois, le témoignage d’Ana-Claudia.

6.2 Lettre telle qu’elle a été transmise à Jean-Baptiste

Les passages en italiques sont les passages qui ont été supprimés dans le journal et remplacés par des points de suspension.

Il y a déjà des jours que je réfléchis, que je prie, que je demande des conseils à diverses personnes, pour savoir si je viendrai ou non célébrer dans cette fazenda, en ce jour de la fête de Sainte Rita, et, si je venais, sur ce que je pourrais dire.

Monsieur Jean-Baptiste, vous avez pu constater comment nous sommes arrivés à Dores avec une préoccupation principale : aider l’Eglise qui est à Dores à rendre présent le Christ Bon Pasteur qui va à la rencontre de tous, pauvres et riches, participants à l’Eglise ou éloignés, catholiques, d’autres religions ou sans foi, et à aider chacun à aller voir Jésus dans l’Evangile, à vivre de cet Evangile.

Il y a eu des difficultés qui ont fait que la communauté ne s’est plus réunie à Sainte Rita et, avec le Père Juarez, nous avons travaillé à une réconciliation, jusqu’à célébrer de nouveau ici, une ou deux fois par an. Quand vous avez demandé, au dernier moment, que je célèbre le mariage de Christian et Fernande, vous avez fait l’expérience que j’ai facilité tout pour que cela soit possible, comme je fais tout pour que tous puissent avec accès à l’Eglise et aux sacrements. Ainsi, combien de personnes vont recevoir le sacrement du mariage ces jours-ci ![1]

Il y a quelques mois, nous nous sommes croisés sur la piste et vous m’avez parlé de la fête de Sainte Rita. Je n’ai fait aucune difficulté et j’ai marqué immédiatement la date, et je me réjouissais de venir célébrer à Sainte Rita aujourd’hui.

Tout a changé quand il y a eu la mission des jeunes à Monde Nouveau[2] le samedi 26 avril. J’ai visité une famille. Ils m’ont dit qu’ils travaillaient à la scierie. Ils ont parlé des conditions de travail : salaire correct ont-ils dit (2 salaires minimum ce qui reste bas et ne permet pas de se soigner correctement ni d’envoyer ses enfants étudier etc.). Mais, ensuite, ils ont dit que beaucoup n’étaient pas déclarés, qu’il n’y avait pas d’horaire marqué, que ceux qui étaient mensualisés n’avaient pas leurs heures supplémentaires payées, qu’il y a des personnes qui peuvent travailler 7 jours sur 7, le dimanche, les jours fériés, de tôt le matin à tard dans la nuit, sans être avertis avant, bien au-delà de ce qui est légal, et que, souvent, le salaire était payé avec retard. J’ai été abasourdi. Je n’y croyais pas. Je suis passé dans d’autres maisons et j’ai entendu les mêmes réclamations. J’ai aussi entendu que vous étiez en train de changer la structure administrative de la scierie, pour échapper à quelle loi sociale ou impôt ? On dit aussi que les camions de la scierie passent la frontière de nuit, quand le poste fiscal est fermé.[3]

Ce n’est pas de ma responsabilité d’enquêter, mais il y a des choses que j’ai pu constater de mes propres yeux et je m’interrogeais : comment puis-je célébrer ici et donner l’impression que l’Eglise appuie de telles pratiques ?

Je suis d’une famille qui était initialement pauvre, mais mon père a terminé avec de grandes responsabilités. Il a eu la responsabilité certaines fois de fermer des usines pour des raisons économiques. Nous avons passé des heures à partager sur la difficulté d’être patron d’une firme dans la concurrence du marché en se laissant éclairer par l’Evangile dans sa pratique. J’ai aussi reçu de lui un témoignage fort : deux fois, il a préféré démissionné de son poste parce qu’il n’acceptait pas des pratiques qui ne respectaient pas la dignité des ouvriers et qu’il ne voulait pas le faire, même si c’était sur ordre d’un supérieur.

Si je parle de ma famille, c’est pour couper court à toute caricature comme cela s’est déjà produit pour moi dans une autre situation où j’ai du parler : « Le prêtre est communiste », « le prêtre est contre les riches », « le prêtre fait de la politique et est partisan », etc.

Dans l’association des prêtres du Prado, nous nous aidons à passer des heures dans l’Evangile pour connaître Jésus, voir comment il fait, agit, parle, aime.

Dans l’Evangile, on voit Jésus se lier de manière préférentielle aux plus pauvres, naissant dans la condition de pauvre dans la crèche, jusqu’à s’identifier à eux : « Chaque fois que vous n’avez pas donné à manger, à boire, que vous n’avez pas partagé, avec l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » (Mt 25,45) Mais jamais on ne voit Jésus condamner ou exclure les riches en tant que riches.

Ainsi, il dit à Zachée, collecteur d’impôts (Lc 19,1-10) : « Zachée, descend vite, il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison, dans ta vie, dans ton cœur, dans ta pratique. Dans le même temps, les religieux se scandalisent : « Il a été manger chez un pécheur ! » Et nous connaissons la réaction de Zachée, bouleversé d’accueillir Jésus dans sa maison : « Je vais donner la moitié de mes biens, Seigneur, et je le donne aux pauvres ; et, si j’ai volé quelqu’un, je vais lui rendre 4 fois plus. » Nous savons aussi la conclusion de Jésus : « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que cet homme aussi est fils d’Abraham. De fait, le Fils de l’Hommes est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Ailleurs, Jésus appelle Matthieu, collecteur d’impôts, à devenir apôtre (Mt 9,9). Il entre manger dans la maison de diverses personnes importantes. Il accueille avec beaucoup d’amour l’homme riche qui voulait posséder la vie éternelle, celui-là même qui, finalement, s’est éloigné tout triste parce qu’il n’avait pas réussi à accueillir l’appel de Jésus à ne pas se laisser prendre par les richesses pour le suivre. (Lc 18,18-30)

J’ai prié, j’ai hésité, j’ai consulté. J’ai décidé de venir vous parler en vérité, priant l’Esprit Saint d’ouvrir un chemin dans votre cœur.

Jésus lui-même, n’a pas eu peur de dénoncer les injustices, non pour condamner, juger, mais pour appeler à la conversion. Lui-même avertit les apôtres que, s’ils ont honte de parler, d’annoncer l’Evangile, il aura honte d’eux. (Mc 8,38)

Je ne sais pas si vous avez déjà lu le chapitre 8 du Prophète Amos, mais il vaut la peine, non pour se sentir condamné, mais pour se convertir : « Ecoutez ceci, vous qui vous acharnez sur le pauvre pour anéantir les humbles du pays, vous qui dites : ‘Quand donc la nouvelle lune sera-t-elle finie, que nous puissions vendre du grain, et le sabbat, que nous puissions ouvrir les sacs de blé (manière de dire qu’ils veulent que les gens travaillent les jours fériés, le dimanche), diminuant l’épha, augmentant le sicle, faussant des balances menteuses, achetant des indigents pour de l’argent et un pauvre pour une paire de sandales ? Nous vendrons même la criblure du blé !’  Le Seigneur le jure par l’orgueil de Jacob : Jamais je n’oublierai aucune de leurs actions. »

J’aime beaucoup votre saint patron, Jean-Baptiste : il n’avait pas peur d’appeler à la conversion, à préparer les chemins du Seigneur, rendre droit ses sentiers. Il disait à la multitude qui allait se faire baptiser : « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc des fruits qui témoignent de votre conversion… Déjà même, la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. »” (Luc 3,4-9)

Ce que j’aime dans ce passage, c’est l’attitude des foules : au lieu de se scandaliser à cause de la parole forte de Jean-Baptiste, ils questionnent : « Que devons-nous faire ? » Et Jean-Baptiste de donner une réponse adaptée à chacun, réponse bien concrète et exigeante et qui va à l’envers de leur pratique : A ceux qui ont deux tuniques, qui ont de quoi manger, Jean-Baptiste dit : « Partage avec celui qui n’a rien » ; aux collecteurs d’impôts : « ne prélève pas de taxe au-delà de ce qui est prescrit » ; aux soldats : « ne maltraite personne, ne fais pas d’accusation fausse, et contente toi de ta solde », dans cette situation, « ne va pas voler le bien des gens en profitant de la force de tes armes ». (Lc 3,10-14)

Nous connaissons aussi sa parole très concrète et personnelle dirigée à Hérode qui prenait la femme de son frère, et aussi des conséquences de cette parole. Mais Jean a préféré perdre la vie plutôt que renoncer à la mission reçue : appeler tous à rendre droit les chemins pour accueillir l’Agneau de Dieu, le Messie. (Mt 14,1-12)

Ce jour où je vous écris, nous avons la lecture des paroles de Paul aux anciens d’Ephèse à Milet dans les Actes des Apôtres 20,17-27. C’est tout ce passage qui me parle très fort, et plus particulièrement ces paroles : « Je n’ai rien négligé de ce qui pouvait vous être utile ; au contraire, j’ai prêché, je vous ai instruits, en public comme en privé ; mon témoignage appelait et les Juifs, et les Grecs, à se convertir à Dieu et à croire en Notre Seigneur Jésus. »

Monsieur Jean-Baptiste, vous avez fait l’expérience de ce qui anime le Père Juarez, de ce qui m’anime : manifester l’amour du Christ à tous, provoquer chacun à accueillir la parole de l’Evangile, vivre des mêmes sentiments que Jésus. Je prie pour n’avoir pas d’autre sentiment dans mon cœur que ceux du Christ regardant l’homme riche : il l’aima. Je prie pour vous, que vous trouviez un chemin pour que cette parole donne du fruit dans votre vie et que vous ne vous éloigniez pas tout triste. Priez pour moi, que je me laisse toujours plus conduire par l’Esprit Saint et que je sois un vrai prêtre de Jésus-Christ.

Père Bruno

7. Editorial du journal de juin: Le mensonge tue (d’après Actes 5)

Chers frères et sœurs,

Tout au long du mois d’avril, de communauté en communauté, nous avons lu dans les Actes des Apôtres, l’histoire d’Ananie et Saphira qui ont fait semblant de partager tous leurs biens et qui sont morts quand Pierre leur a demandé : « Pourquoi avez-vous laissé Satan s’emparer de votre cœur ? Pourquoi avez-vous menti à l’Esprit Saint ? » (Ac 5,3.9)

Nous avons vu Ananie et Saphira mourir au moment où Pierre leur a parlé et leur a révélé leur mensonge. Pendant bien des années, ce texte me dérangeait : il me paraissait magique et révéler un Dieu qui punit jusqu’à tuer par la bouche de Pierre.

Mais j’ai accompagné bien des personnes, des personnes avec des difficultés importantes, parfois dans des situations de péché très forte. J’ai découvert que, aussi longtemps que la personne ne nie pas la réalité, ne ment pas à elle-même et aux autres, il n’y a pas de situation où il ne soit pas possible de revenir à la vie, de se laisser rencontrer par le Christ. Au contraire, j’ai vu des personnes avec des difficultés limitées, mais qui n’ont jamais réussi à accepter de parler en vérité, tomber toujours plus, se trouver incapables d’entrer en contact avec la communauté et vivre une mort non pas physique, mais psychologique, sociale, spirituelle, très réelle.

Nous pouvons méditer le chemin bien différent du bon et du mauvais larron sur la croix, de celui qui parle avec Jésus de manière vraie en comparaison du deuxième qui ne reconnaît pas son péché et ne respecte pas Jésus. Quelle force a cette parole de Jésus au bon larron : « Aujourd’hui même, tu seras dans le paradis avec moi ! » (Lc 23,43)

Ce qui a donné la force à Pierre de devenir apôtre, pour témoigner avec force de la résurrection, c’est d’avoir accepter de reconnaître sa fragilité sous le regard du Christ. Ce qui a conduit Juda à la mort, c’est de ne pas accepter de se laisser regarder par le Christ jusqu’à sa trahison.

Je fais l’expérience que, quand je simule des attitudes spirituelles, que je ne chemine pas en vérité, que je deviens « fonctionnaire du culte », faisant bien mon travail de prêtre d’un point de vue extérieur, mais ne cherchant pas réellement le lien profond avec le Christ et à obéir aux appels de l’Esprit Saint, immédiatement, la mort envahit mon cœur, je deviens incapable d’annoncer le Christ, d’entrer en relation avec les gens.

J’imagine que chacun de vous pouvez témoigner de la même expérience : quand nous simulons dans la relation avec les autres, dans l’amour conjugal, dans l’amour en général, c’est la mort qui survient.

C’est une des difficultés de la maladie alcoolique : la dépendance physique et psychologique est tant forte, la souffrance de se percevoir dans cette situation si grande, que l’un des symptômes consiste dans le fait que la personne nie être malade, boire. Ici, ce n’est pas seulement un problème moral, un mensonge, mais une réaction de défense psychologique, comme cela se produit avec des personnes qui ont un cancer et qui disent qu’ils n’en ont pas. La personne ne nie pas seulement aux autres, elle est, pour une part, convaincue qu’elle ne boit pas, qu’elle n’est pas malade, qu’elle n’a pas besoin d’aide. Une autre part d’elle sait la réalité. Aussi longtemps qu’elle n’arrive pas à « admettre » (premier pas de la Pastorale de la Sobriété) être malade et avoir besoin d’aide, c’est la mort qui vient pour elle.

Lors des élections municipales, il y aura plein d’occasions de simuler la démocratie : acheter les votes, payer les personnes pour qu’elles mettent des affiches sur leur maison ou leur voiture, promettre un avantage particulier ou un emploi pour recevoir le vote de quelqu’un, jusqu’à ce que le candidat arrive à croire que les gens l’apprécient, qu’il est serviteur, sauveur du pays, alors qu’il se détruit et détruit les autres. Ensemble, nous allons prier et agir pour que cela n’arrive pas à Dores. Nous allons rejeter quelque proposition de ce type qui nous serait faite. Nous allons faire attention à ne pas accuser quelqu’un de ce type de pratique si ce n’est pas vrai. Mentir tue la vie, peut physiquement conduire quelqu’un à la mort. Nous allons servir la vie à Dores, et non pas la mort.

Ananie et Saphira ont menti dans le partage financier avec la communauté chrétienne. Nous sommes heureux de voir que nombre d’entre vous entendent l’appel à s’engager dans la vie chrétienne dans toutes ses dimensions, jusqu’à la dimension matérielle du denier de l’Eglise que augmente. Continuons à appeler ceux qui ne se sont pas encore décidés à participer ainsi de la vie de la famille, à devenir donateurs si ils ne le sont pas, donnant une participation réelle, s’ils ne le font pas.

En ce moment, je rencontre aussi des « Ananie et Saphira » dans la vie économique à Dores. En peu de temps, j’ai rencontré diverses personnes dans notre paroisse victime de personnes qui se disent catholiques et qui se font passer pour justes alors qu’ils emploient d’autres sans les déclarer, sans que les heures supplémentaires ne soient payées, sans jour de repos, sans que le salaire n’arrive en temps et en heure, faisant, dans le même temps des dévotions. Dans une de ces situations, je me suis retrouvé « obligé » de parler, d’appeler avec amour mais avec force. Je sais bien qu’il n’y a pas que cette personne que j’ai interpelée qui ne respecte pas tous les droits des travailleurs, la dignité des personnes ici à Dores. J’ai rencontré des employées de maison non déclarées, des vendeuses travaillant 6 jours sur 7 de 7h à 20h pour un salaire minimum, etc.

Dans le même chapitre 5 des Actes des Apôtres, les chefs veulent que Pierre et Jean se taisent et arrêtent d’annoncer la Bonne Nouvelle du Christ. Nous connaissons leur réponse : « Nous devons obéir à Dieu et non aux hommes. » Je ne peux pas être prêtre ici et faire comme si je n’avais rien vu en me taisant.

Je prie pour notre Eglise qui est à Dores, c’est-à-dire pour nous tous, que nous soyons capables d’obéir à Dieu et non aux tentations humaines, et que nous annoncions en vérité, et non pas seulement en paroles, l’Evangile de la Vie. « Choisis donc la vie »… tel est le thème de la Campagne de Fraternité de cette année. On pourrait traduire : choisis donc l’amour véritable, défends et vis la justice, ne sois pas mensonger et trompeur.

Père Bruno

8. Lis l’Evangile et laisse Jésus agir en toi

Un jour, le prêtre m’a prise en autostop et j’ai commencé à lui raconter comment ma vie avait changé quand j’ai rencontré le Christ dans la lecture de l’Evangile. Il m’a demandé d’écrire un témoignage pour le journal paroissial, ce que je fais avec joie.

J’ai 27 ans et suis mariée, mère de deux enfants. Quand j’étais enfant et jeune, j’habitais à cent mètres de l’église, mais j’y allais pour y aller, par obligation. Ma mère était catéchiste et m’emmenait à l’église, mais ça ne m’intéressait pas.

Je me suis mariée à l’église, j’ai changé de communauté. Là aussi, j’habitais près de l’église. La communauté était très accueillante, venait me visiter, mais je continuais à aller à l’église pour y aller. Le début de mon mariage a été difficile, jusqu’à ce que nous nous séparions deux fois.

Le fait que le prêtre demande toujours après la proclamation de l’Evangile « Qui accepterait de partager la parole de vie ? » m’a provoqué à commencer à lire l’Evangile. Un jour, j’ai accepté de partager la parole de vie, la parole qui m’avait touchée. Je ne me souviens pas de la parole exacte, mais elle parlait de ne pas se préoccuper tant des choses matérielles et de chercher le Règne de Dieu. Le commentaire du prêtre en écho m’a beaucoup touchée et tombait dans ma vie, comme un gant qui entre directement.

J’ai commencé à donner beaucoup de valeur à la Parole de Dieu. Aujourd’hui, je lis l’Evangile chaque jour, j’écoute la messe à la télévision. La communauté m’a appelée à devenir ministre de la Parole et j’ai accepté alors que j’habite à une heure à pied de l’église. Cela m’a provoqué à lire encore plus la Parole de Dieu.

Ma vie s’est beaucoup transformée. L’amour a grandi entre nous. Aujourd’hui, il y a des disputes, mais cela n’a rien à voir avec avant. Nous dialoguons, la confiance a grandi entre nous et nous prions ensemble.

Dans la vie, je suis passée par des moments difficiles, mais quand j’ai cherché Dieu, j’ai trouvé le chemin sûr. Dieu fait des merveilles dans la vie des gens, il frappe à la porte, mais il est nécessaire de lui ouvrir. Ce que nous demandons, Dieu nous le donne en double. Aujourd’hui, je veux que mes enfants connaissent le Christ et je parle à tout le monde : qui veut le bonheur, la vie pleine, doit laisser Jésus agir dans sa vie, lire sa parole, la laisser entrer dans son cœur.

Anne-Marie

9. J’ai commencé à boire à l’âge de 11 ans

Un catéchiste a demandé à témoigner et à alerter les enfants et adolescents pour qu’ils ne tombent pas dans l’alcool.

Mon histoire avec l’alcool a été ainsi. J’étais encore enfant quand j’ai eu mon premier contact avec l’alcool. J’avais 10 ans. Mes parents m’on donner la liberté de sortir pour aller aux fêtes, mais j’y allais seulement avec des plus vieux que moi, et je voulais être comme eux. J’ai commencé à boire comme eux et il je suis rentré plusieurs fois ivre à la maison. Et ce fut ainsi pendant plusieurs années.

Quand j’avais 14 ans, j’ai commencé à préparer la confirmation et à prendre des responsabilités dans l’Eglise. Je voulais larguer l’alcool pour devenir catéchiste. Je pensais arriver à mon objectif par moi-même mais je n’y arrivais pas. Lors des fêtes de fin d’année, j’ai bu tellement que j’ai été très malade pendant plusieurs jours. A partir de là, j’ai décidé d’arrêter de boire. Mais le problème de l’alcool dans ma famille ne s’arrêtait pas. De fait, mon père était alcoolique au point que, un jour, j’ai dû aller le chercher totalement ivre à un café. En effet, il n’arrivait pas à rentrer. J’ai ressenti une honte si forte devant mes amis et mes collègues que je me suis promis à moi-même que, si j’avais des enfants un jour, jamais ils n’auraient à passer par là où j’étais passé.

Aujourd’hui, je suis marié. J’ai un fils, et, grâce à Dieu, moi et mon père, nous ne buvons plus.

10. Extraits du document d’Aparecida : « Visage du Christ et visages de ceux qui souffrent »

Nous continuons la publication d’extraits forts du Document d’Aparecida.[4]

392. L’option préférentielle pour les pauvres est contenue dans la foi christologique

Notre foi proclame que « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme ». Pour cela « l’option préférentielle pour les pauvres » est contenue dans la foi christologique en ce Dieu qui s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Cette option naît de notre foi en Jésus-Christ, le Dieu fait homme, qui s’est fait notre frère (Cf. Hb 2, 11-12). Celle-ci, toutefois, n’est ni exclusive ni excluante.

393. Nous sommes appelés à contempler, dans les visages souffrants de nos frères, le visage du Christ qui nous appelle à le servir en les servant

Si cette option est implicite dans la foi christologique, les chrétiens, comme disciples et missionnaires, nous sommes appelés à contempler, dans les visages souffrants de nos frères, le visage du Christ qui nous appelle à le servir en les servant : « Les visages souffrants des pauvres sont les visages souffrants du Christ ». Ce sont eux qui interpellent le travail essentiel de l’Église, de la pastorale et de nos attitudes chrétiennes. Tout ce qui a relation au Christ, a relation aux pauvres, et tout ce qui concerne les pauvres appelle Jésus-Christ : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de mes frères que voici, le plus petit, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Jean-Paul II a souligné que ce texte biblique « illumine le mystère du Christ ». Parce que dans le Christ, le grand s’est fait petit, le fort s’est fait fragile, le riche s’est fait pauvre.

394. La solidarité surgit comme attitude permanente de rencontre, de fraternité et de service, qui doit se manifester en options et gestes visibles

De notre foi dans le Christ, la solidarité surgit comme attitude permanente de rencontre, de fraternité et de service, qui doit se manifester en options et gestes visibles, principalement en ce qui concerne la défense de la vie et des droits des plus vulnérables et des exclus, ainsi que dans l’accompagnement permanent pour épauler leurs efforts à devenir les sujets du changement et de la transformation de leur situation. Le service de la charité de l’Église parmi les pauvres « est un espace qui caractérise de manière décisive la vie chrétienne, le style ecclésial et les programmes pastoraux ».

395. l’Église est appelée à être « avocate de la justice et défenseur des pauvres », à prêter une attention spéciale aux responsables

Le Saint Père nous a rappelé que l’Église est appelée à être « avocate de la justice et défenseur des pauvres » devant « d’intolérables inégalités sociales et économiques », « qui crient vers le ciel ». Nous avons beaucoup à donner, puisque sans l’ombre d’un doute, la Doctrine Sociale de l’Église est capable de susciter de l’espérance au milieu des situations les plus difficiles, car, s’il n’y a pas d’espérance pour les pauvres, il n’y en aura non plus pour personne, pas même pour ceux qu’on appelle les riches.

L’option préférentielle pour les pauvres exige que nous prêtions une attention spéciale pour ces professionnels catholiques, qui sont responsables des finances des nations ; pour ceux qui détiennent les emplois ; pour les politiques qui doivent créer les conditions en faveur du développement économique des pays, de sorte que nous leur donnions des orientations éthiques cohérentes avec leur foi.

396. Travailler pour que l’Eglise d’Amérique Latine continue à être, compagne de route de nos frères les plus pauvres

Nous nous engageons à travailler pour que notre Église Latino-américaine et des Caraïbes continue à être, avec plus de véhémence, compagne de route de nos frères les plus pauvres, y compris jusqu’au martyre. Aujourd’hui nous voulons ratifier et rendre possible l’option de l’amour préférentiel pour les pauvres, proclamée dans les conférences antérieures. Qui dit « préférentiel », dit que cela doit traverser toutes nos structures et priorités pastorales. L’Église latino-américaine est appelée à être sacrement de l’amour, de la solidarité et de la justice parmi nos peuples.

11. Contempler le Christ qui se livre à l’humanité

Je n’en finis pas de contempler le Christ qui se livre à l’humanité qui le rejette, le crucifie, se détourne de lui, et qui n’a d’autre chemin que d’aimer, d’aimer toujours plus, de se livrer, tout en parlant « vrai ». Il suffit de voir toutes ses invectives aux pharisiens « hypocrites », mais se faisant proche de tous.

Dans cette fête de la Pentecôte, je suis émerveillé des fruits de l’Esprit chez ces personnes toutes simples qui lisent les Actes des Apôtres et se reconnaissent directement dans ces récits. Je médite ce mystère de Christ qui ne se dit pas tout seul, mais s’en remet aux hommes, met en eux son Esprit pour « annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération, aux aveugles le retour à la vie, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur et faire qu’aujourd’hui cela s’accomplisse. » (Lc 4,18-21)

Je ressens combien il n’est pas possible d’interpeller, sans travailler à aimer, y compris celui qui paraît le moins aimable, et que ce chemin n’est jamais gagné, sans qu’aimer consiste à se taire, à craindre de blesser, ni d’être soi-même blessé en retour.

Je sens plus fortement en ce moment où nous prenons la Parole sans détour l’appel à prier, à m’en remettre aussi à la prière des frères, pour recevoir l’Esprit Saint avec l’Eglise réunie autour de Pierre et Marie.

Très bonnes fêtes de Pentecôte à tous.

Bruno

[1]      Beaucoup de gens ne sont pas mariés à cause du prix, tant à l’Eglise qu’à la mairie. Nous avons lancé une opération d’appel à se marier en célébrant gratuitement ce qui s’inscrit dans notre action pour promouvoir le denier de l’Eglise et pour arrêter avec toutes les taxes de sacrements. Nous faisons aussi une demande de dispense de mariage civile ce qui permet un mariage gratuit dans la messe mensuelle de la communauté.

[2]      Il s’agit d’un village plus important où nombre des habitants sont ouvriers de la scierie de Jean-Baptiste ; je transforme quelques détails pour qu’il ne puisse pas savoir qui m’a informé.

[3]      Ce paragraphe n’apparaît pas dans la publication de la lettre dans le journal, mais le contenu est repris dans l’éditorial dans l’introduction de la publication de la lettre où nous nous adressons à ceux qui ne respectent pas les droits des travailleurs.

[4]      Conférence des évêques d’Amérique Latine en mai 2007 à Aparecida au Brésil, près de São Paulo. La traduction donnée ici a été faite par le service des évêques de France, Mission Universelle de l’Eglise, Pôle Amérique Latine, ex CEFAL.

Ce contenu a été publié dans Brésil. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire