Les religieux de notre famille (Article pour « Le Petit Défenseur » (janvier 2003)

Vous préparez un numéro sur « les religieux » de notre famille et vous avez le souci de maintenir et développer le patrimoine de la famille, je veux bien partager quelques réflexions.

Quelques mots d’abord pour me situer : 42 ans, je suis le deuxième fils de Michel Cadart et Brigitte Becquet, elle-même fille de Pierre Becquet et Elisabeth de Ruffray. Prêtre du diocèse de Créteil, membre de l’Association des Prêtres du Prado, après avoir été prêtre à Champigny (1990-1997), j’ai été à Vitry-sur-Seine (1997-1999), chaque fois dans ces quartiers dont on décrit surtout les difficultés mais où se vivent plein de merveilles aussi et où l’Eglise a une vitalité étonnante, tout en étant petite. D’autres aussi, qui ne partagent pas notre foi y vivent des gestes qui nous parlent de l’œuvre de l’Esprit Saint qui agit chez tout homme.

J’ai beaucoup reçu dans ce ministère paroissial au milieu de nombreux jeunes de multiples pays, dont beaucoup de portugais sur Champigny. J’ai été témoin émerveillé de ce que la mission ouvrière, en particulier la J.O.C., pouvait permettre à des jeunes, des adultes, les plus pauvres. J’ai eu la joie aussi d’accompagner des couples issus de familles plus aisées et de les aider à se situer en étant eux-mêmes et en même temps en recevant des plus pauvres. J’ai souvent été témoin émerveillé de ce que le Christ fait dans le cœur des plus petits et des autres qui savent rester petits.

Aujourd’hui, je suis assistant du responsable des prêtres du Prado de France, et j’habite à Lyon, me déplaçant souvent pour participer aux rencontres des prêtres du Prado. Nous nous aidons à revenir toujours à l’Evangile, la prière, l’attention aux plus petits, à une vie simple et fraternelle.

Vous vous préoccupez de notre « patrimoine familial », il me semble qu’une part, la part la plus importante sans doute de notre patrimoine familial, c’est la foi reçue de nos parents.

Sans doute, faut-il nous rappeler que c’est un patrimoine qui ne se possède pas, est toujours à recevoir, n’est pas de l’ordre de l’évidence, et nous pousse à recevoir de ceux qui ne la partage pas ; elle ne nous donne aucun privilège mais plutôt une responsabilité : de toujours travailler à nous convertir pour ne pas faire obstacle au message d’amour du Christ pour tout homme.

Sans doute, en regardant Jésus, sommes-nous appelés à apprendre ce qu’est la vraie famille, les vrais liens familiaux :

–     « Qui sont ma mère, mes frères… ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique. »

Notre famille sera vraiment telle et fidèle à son « patrimoine » si elle laisse l’Evangile l’ouvrir toujours plus au plus éloigné, au plus pauvre et si elle accueille en profondeur ceux d’entre nous qui ne peuvent croire et vivre selon les mêmes valeurs. Elle sera vraiment famille si elle ne se croit pas différente ou supérieure aux autres, mais se découvre concrètement de la même humanité que les plus pauvres et sait recevoir d’eux, se laisser convertir par eux. Nous n’aurons jamais fini de découvrir le mystère de Noël où Jésus s’identifie à l’exclu, au plus pauvre pour rejoindre tous les hommes.

Médecin, un des fondateurs des soins palliatifs, j’ai été marqué par tout ce que j’ai reçu dans l’accompagnement de personnes en fin de vie très diverses, croyantes ou non, dans un moment où l’on est renvoyé à l’essentiel.

Sur ma route, j’ai croisé le Père Frétellière, évêque de Créteil, un diocèse particulièrement pauvre et qui appelait à ne vivre l’Evangile en s’en remettant à Dieu. C’est ce qui m’a fait choisir ce diocèse. Il était bien conscient de la fragilité de l’Eglise dans ce diocèse, de l’impossibilité à faire face à tout, mais il appelait à la confiance mise en Jésus qui a toujours pris le chemin de la pauvreté, de la croix et il nous appelait à ne pas porter le poids de tout ce que nous ne pouvions faire mais à cueillir toutes les fleurs d’Evangile qui poussent au milieu du béton. Il disait et redisait :

« Je plaide pour que nous revenions à l’Evangile, à l’Evangile tout simple, lu, relu, médité, prié, partagé, vécu. Personnellement et ensemble. Constamment. »

J’ai croisé aussi la figure du Père Chevrier, prêtre ayant vécu à Lyon au XIXème et qui s’est laissé toucher en même temps par :

–     La situation d’écrasement des plus pauvres broyés par la révolution industrielle, les enfants à l’usine sans savoir lire et écrire dès l’âge de 6 ans et dans des conditions infra-humaines ;

–     L’éblouissement devant l’amour de Dieu qui se révèle en Jésus.

« C’est le mystère de l’Incarnation qui m’a converti… Je me disais : le Fils de Dieu est descendu sur la terre pour sauver les hommes et convertir les pécheurs. Et cependant, que voyons-nous ? Que de pécheurs il y a dans le monde ! Les hommes continuent à se « damner » (à vivre sans se savoir aimés de Dieu). Alors, je me suis décidé à suivre notre Seigneur Jésus-Christ de plus près, pour me rendre plus capable de travailler efficacement au salut des âmes. Et mon désir est que vous-mêmes, vous suiviez aussi notre Seigneur Jésus-Christ de près. »

Là où je suis actuellement, et après le ministère dans les cités où se révèle tout ce qui agite notre planète, où les conflits à l’autre bout du monde se répercutent par des arrivées de personnes qui fuient, visitant maintenant les prêtres des diverses régions de France, je ne peux pas ne pas sentir les mutations très fortes qui touchent la société et l’Eglise, la chute qui va être très forte du nombre de prêtres, de religieuses.

Je souhaite que ce temps de mutation ne soit pas dans notre famille une occasion de déserter, ou de se raidir dans le souvenir d’un âge d’or qui n’a jamais existé, ou encore à chercher des coupables. Je souhaite qu’il soit provocation, comme du temps du Père Chevrier, à s’attacher plus fortement au Christ, à travailler à le connaître dans l’Evangile, à dire, comme les disciples dans les persécutions rapportées dans les Actes des Apôtres, ou comme les prêtres d’Algérie et de Colombie qui témoignaient lors de notre dernière assemblée internationale : « C’est une occasion privilégiée pour nous d’annoncer l’Evangile ».

Je souhaite aussi que des plus jeunes de notre famille sachent que le Christ appelle toujours, qu’il appelle à vivre à fond son baptême, sa confirmation, son mariage, qu’il appelle aussi certains à choisir le célibat consacré par amour des pauvres et du Christ.

Oui, ce choix amène parfois à souffrir, comme d’être parent amène à souffrir pour ceux à qui l’on a donné la vie. Mais les vraies joies, celles qui durent, celles qui construisent, sont souvent souffertes et je ne savais pas que l’on pouvait être si heureux et donner à ce point la vie. C’est impressionnant tout ce qui nous est redit au moment où l’on quitte une paroisse.

J’aime cette parole d’Antoine Chevrier, le fondateur du Prado :

« Sentez-vous naître cette grâce en vous? C’est-à-dire, sentez-vous un attrait intérieur qui vous pousse vers Jésus-Christ? Un sentiment intérieur qui est plein d’admiration pour Jésus-Christ, pour sa beauté, sa grandeur, sa bonté infinie, qui le porte à venir à nous. Sentiment qui nous touche et nous porte à nous donner à lui. Un petit souffle divin qui nous pousse et qui vient d’en haut, ex alto, une petite lumière surnaturelle qui nous éclaire et nous fait voir un peu Jésus Christ et sa beauté infinie. Si nous sentons en nous ce souffle divin, si nous apercevons une petite lumière, si nous nous sentons attiré tant soit peu vers Jésus-Christ, ah! cultivons cet attrait, faisons le croître par la prière, l’oraison, l’étude, afin qu’il grandisse et produise des fruits. »

En 1995, le Prado m’avait demandé de faire un témoignage sur « Devenir croyant dans l’exercice du ministère ». Un ami fondateur du site internet www.portstnicolas.net, a demandé à mettre ce témoignage sur son site. Si tel ou tel d’entre vous souhaite plus partager, il peut trouver ce témoignage en suivant le chemin suivant : « le rocher chemin de prière » / textes de prière / divers / devenir croyant dans l’exercice du ministère : http://www.portstnicolas.net/cms.php?pageid=69

Soyez assurés de ma prière, et je compte sur la votre.

Bruno Cadart

 

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