Lettre aux confirmands de la Vallée d’Avre : Pourquoi diffuser le Nouveau Testament

Une responsable d’aumônerie paroissiale de jeunes se préparant à la confirmation dans le diocèse de Chartres vient d’écrire pour s’associer à la diffusion de nouveaux testaments.

Comme ils s’excusaient de choisir cette action plutôt que le livre pour sensibiliser à la maladie alcoolique, voilà la réponse qui leur a été adressée et qui pourra intéresser d’autres groupes ou personnes. Comme la responsable est malgache, la lettre démarre en malgache:

Ry malala Rondro,

Tena faly aho nony namaky ny emailnao.

Je continue en français, c’est quand même plus simple pour moi…

A l’occasion, je serais heureux que vous vous présentiez plus : depuis quand vous êtes en France ? Ce que vous y faites ? D’où êtes-vous originaires à Madagascar ?

En tous cas, je reçois votre courrier comme une réponse de la Providence.

En effet, notre projet de « Fiangonana Fototra » se développe et, avec lui, les demandes d’achat de bibles et Nouveaux Testaments et mes finances ne suivent plus et sont en déficit préoccupant. Alors, tous ceux qui s’associent à cette action sont bienvenus !

Pour ce qui est du projet « alcool », la somme a até trouvée et je vais justement devoir écrire à certains donateurs pour savoir s’ils sont d’accord pour réorienter leurs dons sur le projet Nouveau Testament. L’impression du livre a été lancée hier.

Je vous en redis les enjeux de l’aide à l’achat de Nouveaux Testaments et bibles :

Enjeu éducatif :

95 % des familles en brousse n’ont aucun livre à la maison. Les enfants qui vont à l’école, malheureusement trop peu nombreux, quand ils rentrent chez eux le soir, ou une fois l’école finie, le plus souvent avant le niveau Cm2, n’ont plus aucune occasion de lire et d’écrire. Le taux d’illettrisme est donc très important.

Faute de moyen car un professeur, lui-même très peu formé (niveau Bepc), peut être seul pour enseigner à 80 élèves de 4 niveaux différents à la fois, parfois sans table et sans chaise, avec très peu de livres, et parce que le professeur n’a pas connu autre chose, l’enseignement consiste à répéter ce que dit le maître, à dire la réponse toute faite. A aucun moment l’enfant n’est appelé à réfléchir, choisir, dire sa propre opinion. L’appel à choisir une « Parole de vie » (« tenin’fiainana »), partager des lumières trouvées dans l’Evangile (« fahazavana »), est un moyen pour aider les enfants à se construire un raisonnement, une opinion.

Plus de 50 % de la population a moins de 15 ans. En leur permettant d’acquérir un Nouveau Testament, en les appelant à former des équipes « F.E.T. » dans tous les hameaux, équivalent du « Mouvement Eucharistique des Jeunes » qui est le mouvement présent chez nous, mais que j’anime en m’inspirant aussi de ce que j’ai connu comme aumônier de Jeunesse Ouvrière Chrétienne, nous essayons de les aider à ne pas être livrés à eux-mêmes, à creuser un idéal, à s’organiser pour changer la situation de leur pays, à ne pas se laisser happer par la tentation de former des bandes de dahalo (voleurs).

En vous rendant sur mon site internet, vous pourrez voir comment j’aide les jeunes à lire l’Evangile et à le mettre en « théâtre ». Cela permet de développer d’autres capacités d’expression. Cela aide à entrer dans la compréhension du texte pour pouvoir ensuite dialoguer. Par exemple, quand ils ont mis en théâtre la mort d’Ananie et Saphira, cela permet une réflexion forte avec eux sur le mensonge qui tue. C’est si vrai partout, mais encore plus ici, dans cette corruption généralisée.

Vous verrez aussi que, sauf rare exception, le Nouveau Testament n’est pas donné, mais vendu à un prix fortement abaissé pour que la personne donne d’elle-même et ne soit pas en situation d’assistance. Aux adultes, un Nouveau Testament acheté 7 000 Ar est vendu 3 000 Ariary (1 € au cours de février 2013). Pour les jeunes en responsabilité en Eglise ou fréquentant le Centre de Promotion Rurale d’Ikalalao, il est vendu à 1 000 Ar (0,33 €). Certains acceptent de travailler dur dans les champs 7h pour un salaire de 2 000 Ar sachant qu’une petite boite de lait concentré coûte 2 600 Ar, une kapoaka de riz nécessaire à un repas pour une personne environs 400 Ar. Pour un père de famille ayant 10 enfants… il ne peut pas nourrir sa famille. La bible achetée 15 000 Ar est vendue 8 000 Ariary. En donnant 4 €, le jeune a aidé 3 familles ou personnes d’un hameau à avoir un Nouveau Testament).

Enjeu social

Cet enjeu est déjà évoqué ci-dessus, mais, comme vous le savez, le pays plonge dans le chaos. Les vols et meurtres parfois très sordides se multiplient. Les gens détruisent ce qui leur sert pour vivre, volent les planches des ponts, par exemple. Ils sont tentés par la haine. Si quelqu’un commence à réussir, et d’autant plus qu’il peut devenir arrogant par rapport à sa propre famille, il est facilement tué ou ce qu’il a construit est vite détruit.

Permettre de lire l’Evangile, de le lire personnellement et communautairement, est certainement un chemin pour donner un fond vrai à la fameuse « fihavanana », trop souvent factice et basée sur le mensonge et la loi du plus fort, du plus ancien. Cela fait quelques mois seulement que nous avons commencé à fonder ces « Fiangonana Fototra », groupes bibliques dans tous les hameaux et les gens témoignent du changement de relation que cela induit entre les gens, de la joie qui est la leur.

L’Eglise d’Amérique Latine qui a pris ce chemin il y a 30 ans, dans les années 80, a pu vérifier tout ce que j’affirme ci-dessus : nombre de jeunes ont appris à lire dans ces groupes, dans la bible. Nombre de personnes ont cru en elles et ont changé leurs conditions de vie. J’ai pu moi-même le constater dans la montagne brésilienne où j’ai été prêtre pendant 4 ans et où toutes les familles, même les plus pauvres avaient la bible et où beaucoup se réunissaient par hameaux une fois par semaine.

Enjeu pour la foi et donc pour l’humain

Bien sûr qu’il n’est pas besoin d’être croyant pour être profondément humain… mais je ne peux pas ne pas constater que l’accès à une foi véritable en Jésus Christ (pas à un intégrisme) rend profondément humain et que la première chose à servir partout, mais en particulier à Madagascar dans un pays qui plonge, c’est d’aider chacun à devenir vraiment « humain » et la connaissance de Jésus est un chemin incomparable.

Nous fêtons les 50 ans du Concile qui avait appelé les catholiques à avoir la bible, à rencontrer le Christ dans l’Evangile. Ici, presque personne n’a la bible. C’est pourtant une dimension essentielle de notre foi.

L’arrivée des sectes rend encore plus urgent la mise à disposition d’Evangiles et de bibles, pour être moins vulnérables à leur action qui détruit le tissu social, le dialogue en famille, la capacité de penser car ils transmettent une vision du monde comportement irrationnelle et basée sur la peur.

Permettre à des jeunes, des adultes, d’entrer dans une relation personnelle avec le Christ dans sa Parole, est source d’une profonde joie pour ceux qui entrent sur ce chemin. C’est source d’une force que rien n’arrête pour se mettre debout et au service de ses frères.

Importance pour moi :

Ayant une comptabilité analytique, je viens de voir qu’en 3 ans, j’ai subventionné pour 3 457 450 Ar l’achat de bibles et Nouveaux Testaments (plus de 1 000 €) et le mouvement va en s’accélérant.

Même si j’essaye de ne pas être celui qui « apporte matériellement » (cf. mon site), et bien qu’ayant reçu des dons importants, mon budget personnel est en déficit de 3 300 €, ce qui m’amenait à m’inquiéter de savoir si je pourrai continuer à les aider à acquérir ces Nouveaux Testaments.

Toute goutte d’eau, même très petite, sera bienvenue et nous sommes sensibles à la prière et à l’engagement d’autres à nos côtés.

Appel à un échange dans les deux sens :

J’espère que vous aiderez les jeunes à visiter un peu le site et à se laisser toucher par ces jeunes capables dès 8 ans, de faire 8h à pieds, parfois sous la pluie, sans repas autre qu’une assiette de riz le matin avant de partir et idem à l’arrivée, pour venir participer à un rassemblement du F.E.T. (Mej).

7 étudiants en médecine français non croyants, dont 5 non baptisés, ont passé un week-end avec moi à faire une « mission » dans la montagne, à visiter tous les hameaus, toutes les familles. Leur question : nous n’avons jamais vu des gens aussi pauvres, mais nous n’avons jamais vu des gens aussi heureux et accueillants. D’où leur vient cette joie ? D’où leur vient cette foi ? (vous pouvez voir sur le site internet les photos qu’ils ont prises lors de cette visite).

Vous pouvez aussi inviter les jeunes qui se préparent à la confirmation et qui seraient intéressés à lire l’échange sur la foi avec ces étudiants français non croyants.

Si les malgaches doivent marcher 7 heures à pied pour venir à un rassemblement d’Eglise, les jeunes français doivent faire un véritable « parcours d’obstacle » pour oser être croyants engagés dans un monde qui rend très difficile d’oser croire et être disciple et apôtre du Christ. C’est pourtant là que se trouve la vraie joie.

Je serais toujours heureux de répondre à vos jeunes, voir de communiquer par skype. Mais il faut prendre rendez-vous car, en brousse, il n’y a pas d’internet… Mais si je peux être présent par skype à votre repas, je le ferai volontiers. Je crains que ça ne soit pas possible du fait de ma présence rare à Fianarantsoa. De même, ne soyez pas supris si je mets 3 semaines à vous répondre… Je passe 3 semaines sur 4 en brousse en général.

Bonjour à votre groupe. Soyez sûrs de ma prière. Et qu’ils n’aient pas peur de se mettre vraiment à la suite du Christ. Très fraternellement

Mifampivavaka isika.

Père Bruno Cadart

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