Marche retraite à Lourdes avec les plus pauvres (Août 2003)

Ceux qui organisent des camps de jeunes sur des paroisses, en particulier dans des secteurs défavorisés, éventuellement avec des mouvements qui rejoignent ces jeunes comme la J.O.C. ou le M.R.J.C., ont sans doute fait le même constat que nous : quand une trentaine de jeunes sont présents, 3 ou 4 ont une vie d’Eglise bien engagée avec une vie de prière, une participation à l’Eucharistie dominicale ; une vingtaine sont heureux de retrouver les copains d’équipe au cours de l’année sans autre attache ecclésiale ; 4 ou 5 sont opposés à la foi ou ne connaissent rien mais sont d’accord pour retrouver les copains, intéressés par les activités proposées (marche, vélo, découverte d’un pays, etc.) ; l’un ou l’autre, musulman se joint au groupe.

Dès lors, même si l’on a le souci de nourrir les jeunes et de leur proposer Evangile, prière, sacrement, à divers moments du camp, il n’est pas possible de le faire chaque jour et les 3 ou 4 qui ont plus faim d’une rencontre personnelle du Christ ne peuvent pas être nourris autant qu’ils en auraient besoin, ne peuvent pas devenir pleinement apôtres pour leurs copains, ont plus de difficultés à percevoir l’appel de Dieu.

L’an dernier, c’est ce constat qui a amené la famille du Prado à proposer au niveau national, par le biais de la revue « Quelqu’un Parmi Nous », une marche à Assise pour des jeunes désireux de vivre un temps fort de fraternité, mais aussi de prière, d’Etude d’Evangile, pour se remettre ensemble devant l’appel de Dieu et pouvoir être apôtres au milieu de leurs copains. Nous avions invité tous ceux qui le souhaitaient à faire connaître cette initiative autour d’eux, insistant pour que les jeunes privilégient une autre initiative locale s’il y en avait une sur leur secteur.

Un prêtre du Prado a diffusé ce tract aux 500 jeunes du rassemblement des jeunes du Rhône Vert avec l’accord, bien sûr, des organisateurs. Il y avait là un groupe de jeunes handicapés. Sur les 500 jeunes présents, ce sont d’abord des jeunes de ce groupe qui ont réagi à cette invitation de marche à Assise. C’est ainsi que les trois premières demandes d’inscription que nous avons reçues ont été les suivantes :

–     « J’ai 22 ans, je suis étudiante en langues appliquées, je suis paraplégique, en fauteuil ; j’ai vu que vous organisiez une marche. Est-ce que je pourrais venir marcher avec vous ? »

–     « Ma fille ne peut pas vous appeler. Elle a 31 ans. Elle est sourde-muette. Elle arrive un peu à lire sur les lèvres et, avec un peu d’habitude, on arrive à comprendre ce qu’elle dit. Elle est peintre. Elle est hémiplégique. Elle arrive un peu à lire. Est-ce qu’elle pourrait venir partager et marcher avec vous ? »

–     « J’ai 33 ans, je suis hémiplégique. ‘J’ai un lobe de mon cerveau qui me manque’. Grâce à ma mère, j’arrive à lire et à écrire, j’ai mis 14 ans pour ça. Je travaille en emploi protégé dans un laboratoire pharmaceutique où l’on me fait confiance et où l’on m’apprécie. Je distribue le courrier. Est-ce que je peux venir ? »

Prêtre, religieuse, laïc et laïque consacrés du Prado qui proposions la marche, il nous était difficile d’oublier la passion d’Antoine Chevrier pour rejoindre ceux qui ne sont rien aux yeux du monde et le critère de sélection pour entrer à l’œuvre de la première communion : « ne rien avoir, ne rien savoir, ne rien valoir. » Mais ça, c’est beau dans les écrits du Père Chevrier, dans la réalité… Cependant, nous nous sommes faits cette réflexion :

–     « Si le Christ agit plus que nous ne l’imaginons et si jamais ces trois jeunes sont envoyés par lui et que nous les refusons, il n’en enverra pas d’autre. »

Nous avons alors édité un nouveau tract pour dire clairement que tous étaient bienvenus, qu’en même temps, si tous ceux qui s’inscrivent étaient en fauteuil roulant, ça poserait des problèmes. Nous appelions des jeunes « valides » à ne pas hésiter à s’inscrire s’ils étaient d’accord, eux aussi, à se remettre devant l’appel de Dieu au sens large du terme dans sa Parole. Nous avons rendu compte de la joie qui a été celle des 25 participants tout au long de la marche à Assise en Août 2002[1].

Cette année, nous avons invité des jeunes désireux de vivre un temps fort de « marche-retraite » à venir marcher de Lannemezan à Lourdes, du 24 au 30 août. Nous avions prévu de marcher vers Lourdes avec Marie et Bernadette, à l’école d’Antoine Chevrier et en regardant la manière dont Jésus avait formé Pierre comme disciple et apôtre.

Comme l’an dernier, chaque journée se déroulait sur le schéma suivant :

  • 6h30 : Lever et petit-déjeuner (pour marcher avant qu’il ne fasse chaud et « se lever pour le Seigneur »)
  • 7h30 : Une demi-heure de prière au cours de laquelle était lu l’Evangile que nous méditerions tout au long de la journée.
  • 8h00 : marche
  • 9h30 : pause avec un quart d’heure de silence personnel pour lire et relire le texte… « Si je ne devais garder qu’une ou deux paroles que j’aime, qui soient paroles de vie pour moi, lesquelles ce serait ? » Une autre question pouvait aider. Par exemple, pour entrer dans le texte de la multiplication des pains : « Qu’est-ce que je retiens de l’attitude de Jésus par rapport aux foules ? de celle des disciples ? »
  • 10h30 : reprise de la marche après un goûter apprécié
  • 12h30 : repas et repos
  • 15h00 : Partage… comment l’Evangile entendu éclaire ma vie et le thème du jour
  • 16h00 : goûter et marche jusqu’à l’étape du soir.
  • 20h30 : temps de veillée et une demi-heure de prière pour finir.

Ce schéma type s’adaptait aux lieux où nous étions.

Avec deux désistements de dernière minute, nous étions 23, arrivant en train de toute la France (Rennes, Caen, Champigny, Metz, Toulouse, la région lyonnaise, de Tarbes). Neuf jeunes ayant participé à la marche à Assise s’étaient réinscrits, dont ceux qui étaient porteurs d’un handicap. 10 nouveaux nous avaient rejoint. Au total, ils étaient 9 cette année à porter une fragilité visible et à nous provoquer à nous laisser rejoindre chacun jusque dans nos propres fragilités. D’autres avaient Bac + 5. Une était cadre supérieur à la D.D.A.S.S. Deux étaient catéchumènes.

Pour être honnête, nous étions un peu inquiets de cette proportion un peu forte de personnes ayant un handicap et nous avons eu du mal à accueillir la dernière demande parvenue début août : Marielle, sourde-muette, ne demandait pas à venir, mais c’est sa maman qui avait entendu parler de la marche et souhaitait qu’elle se joigne à nous. Comme à chaque fois, l’un de nous avait pris contact avant pour faire connaissance et vérifier que Marielle soit partante sur le projet : « Se mettre à plusieurs jeunes adultes ensemble devant l’appel de Dieu, sa parole, s’accueillir dans nos fragilités. »

Le jour où il est passé déjeuner chez elle pour faire connaissance, Marielle n’est pas restée beaucoup à table, mangeant très peu et s’installant dans sa chambre devant la télévision. Un essai de communication en écrivant un mot sur un papier ne s’est pas avéré très concluant. Espérant que la maman comprendrait que le projet n’était pas adapté pour Marielle, il lui a redemandé si c’était Marielle qui voulait venir, si elle avait envie de se mettre devant l’appel de Dieu. La réponse a été claire :

–     « Si l’on avait attendu que Marielle demande quelque chose pour le lui proposer, elle n’aurait jamais rien fait, elle n’aurait en particulier jamais reçu la confirmation. Elle a aussi le droit de recevoir, et puis il n’y a pratiquement pas de groupe qui permette à des handicapés, des sourds surtout, de se retrouver avec d’autres qui n’ont pas ce handicap. »[2]

N’ayant pas oublié la joie de l’an dernier de nous être laissés dérouter dans notre projet, désireux de ne pas oublier cet appel à ne pas risquer de refuser ceux que le Christ envoie, nous avons inscrit Marielle, un peu inquiets quand même.

Le samedi soir, après la messe paroissiale à laquelle nous nous étions retrouvés en arrivant chacun des quatre coins de France, nous avons pris le temps de nous présenter. Parmi les présentations, il y a eu celle-ci :

–     « Je suis jardinier à la ville. J’ai fait le caté, puis j’ai arrêté. Mes parents ont découvert l’A.C.O. Je suis rentré à la J.O.C., puis à l’A.C.E. J’ai accepté d’être responsable fédéral. Je me suis senti appelé par Jésus à travers les responsabilités en J.O.C. et en A.C.O. et en prenant en charge ma vie chrétienne, pas seulement à la J.O.C., dans toute ma vie. Pourquoi je suis venu à Lourdes ? Pour me ressourcer. Dans l’année, il y a plein de choses qui passent. Je vis plein de trucs au boulot, en A.C.E. et en J.O.C. Si je ne prends pas le temps de m’arrêter pour relire, ça ne va pas. L’an dernier, je suis venu à Assise pour connaître le Prado et du monde. Cette année, je ne viens pas pour aller plus loin, mais pour vivre un temps d’arrêt avec le Christ. »

Quand est arrivé le tour de Marielle, il lui a été impossible, bien sûr, de parler.

Elle n’entendait quelque chose que si l’on captait son attention en la touchant avec la main, ou en captant son regard par un signe. Alors, elle comprenait un peu des choses simples de la vie courante. Par contre elle savait très bien exprimer ce qu’elle voulait, et surtout ce qu’elle ne voulait pas et il était vain d’essayer de lui faire faire autre chose que ce qu’elle avait décidé. Elle ne pouvait absolument pas parler et s’exprimait par de petits cris et surtout avec les mains. Nous l’avons chargée de nous initier au langage des signes mais sans pouvoir avancer beaucoup, si ce n’est que les repas commençaient par un « bon appétit » « signé » par tous.

Lors de cette présentation initiale, en parlant au groupe sans que Marielle ne puisse lire sur nos lèvres, nous avons précisé au groupe l’objectif : l’accueillir, accepter qu’elle puisse s’en aller de son côté pendant les repas ou les temps de partage quand elle en aurait marre[3], chercher à communiquer mais sans s’inquiéter quand elle n’y serait pas prête, tout faire pour qu’elle reparte heureuse, nous associer au chemin de ses parents. Gilles, un des jeunes avec qui elle avait été en confiance pendant le voyage en train, a été chargé de veiller plus sur elle.

Dimanche 24 août : première étape avec 17 km de marche de Lannemezan à l’abbaye des bénédictins de Tournay et une invitation à réfléchir à l’appel de Dieu en regardant comment il appelle Pierre (Luc 5,1-12), en partageant comment chacun perçoit quelque chose de l’appel de Dieu dans sa vie.

Au petit déjeuner, Marielle mange très peu et refuse tous les conseils pour éviter l’hypoglycémie. Impossible aussi de la convaincre de moins se couvrir ou de ne pas porter un sac trop lourd. La communication reste très difficile tout au long de la journée. Elle porte une casquette avec une large visière, baissant la tête, et nous empêchant de capter son regard pour communiquer. En cours de matinée, alors qu’elle ne semblait pas fatiguée, elle demande à monter dans la voiture. Nous refusons pour qu’il y ait au moins un domaine où elle réussisse et ne se coupe pas du groupe. Florence, hémiplégique et sourde-muette, a été prise en voiture sur la fin de l’étape du matin et invitée à terminer les 300 derniers mètres à pied pour éviter que Marielle ne la voit dans la voiture et que ça lui donne l’idée d’insister.

Le soir, avant l’office des Vêpres, nous partageons notre inquiétude pour Marielle entre accompagnateurs et notre crainte de nous être trompés : était-ce vraiment le Christ qui l’envoyait ?

Après les Vêpres, nous passons chercher Gérald qui avait téléphoné quelques jours avant pour dire qu’il arriverait avec un jour de retard pour ne pas rater la fête du village avec sa copine. Voici quelques échos du partage dans la voiture entre la gare et l’abbaye :

–     Je suis en C.A.T. avec Yann qui est déjà à la marche. On est aussi au C.M.R., et puis dans un groupe lié à la C.G.T. Là, on défend les droits des handicapés. Et puis, je prépare mon baptême. C’est un prêtre du Prado qui nous a parlé de la marche. J’ai un Evangile en bande dessinée. Je déteste lire.

–     Ta copine est au C.A.T. avec vous ?

–     Non, elle, c’est une citoyenne à part entière…

–     Mais toi aussi, tu es un citoyen à part entière.

–     Non, je suis en C.A.T. et sous curatelle.

–     Mais pour nous, pour le Christ, tu es un homme à part entière.

–     Ce n’est pas vrai pour tout le monde. Il n’y a pas beaucoup d’endroits où les gens me considèrent comme un citoyen à part entière.

Nous lui parlons du groupe, des personnes qu’il va y trouver, des deux filles qui sont sourdes muettes, qu’il ne soit pas surpris si elles ne lui répondent pas…

–     Au C.A.T., il y a deux copines qui sont sourdes muettes, alors j’ai suivi une formation pour « signer ».

En arrivant, nous le présentons à Marielle. Echange en langage des signes, et visages rayonnants de Marielle et Gérald. Après cette arrivée « providentielle » de Gérald capable d’entrer en contact avec Marielle et de trouver sa propre place « à part entière », entre accompagnateurs, nous nous sommes redit une phrase qui est souvent venue sur nos lèvres depuis Assise : « Nous croyons de moins en moins que les évènements n’arrivent que par hasard ».

Cependant, la réalité nous empêchait de mettre Dieu à toutes les sauces et nous a bien gardé les pieds sur terre : les difficultés de Marielle n’étaient pas que des problèmes d’audition et la présence de Gérald ne permettait pas une traduction des échanges en équipe. Pendant l’office de Vigiles elle a su faire du bruit pour manifester qu’elle trouvait ça long. Sa difficulté à entrer en relation plus profonde que des problèmes d’audition ou de langage se traduisait aussi par sa manière répétitive de prendre nos mains pour regarder avec fascination nos montres. Il a aussi fallu que des filles du groupe l’aident à prendre sa douche.

Lundi, le thème a été la place de la Parole de Dieu dans nos vies et nous avons médité l’Evangile du Semeur (Luc 8,4-21). Après la messe célébrée avec les moines, nous avons demandé à ce qu’un moine nous parle de la place de la Parole de Dieu dans sa vie. Avant de prendre la route, nous nous sommes assis sur les marches de l’abbaye pour écouter le frère Jean-Marie. Florence lisait ce qu’il disait et qui était retranscrit sur l’écran d’un ordinateur. Marielle avait refusé de se mettre à côté pour pouvoir lire sur l’écran. Elle s’était mise deux marches plus haut. Pour aider Florence qui avait des problèmes de compréhension, une phrase de Frère Jean-Marie avait été surlignée :

–     « Quand je lis la parole de Dieu, à un moment, je suis un peu perdu. Mais ce n’est pas mauvais d’oser se perdre un peu dans l’Evangile pour laisser Dieu me trouver. »

Marielle s’est levée et est venue mettre son doigt sur l’écran pour montrer la phrase. Puis elle a accepté de s’asseoir à côté de l’ordinateur pointant de nouveau deux autres paroles du frère Jean-Marie qui avaient aussi été surlignées :

–     « Quand je lis la Parole de Dieu, l’important, c’est : Qu’est-ce que le Seigneur me dit. » Et, un peu plus loin :

–     « Quand je lis la Parole de Dieu, l’important, c’est aussi : Qu’est-ce que je dis au Seigneur. »

Sans doute Marielle avait elle réagi à la couleur. En tous cas, c’est ce que nous nous sommes dit. Ce jour-là, nous avons marché jusqu’à Montgaillard.

Mardi, le thème du jour était : Comment nous laissons-nous toucher par des pauvres autour de nous ? Et nous avons regardé comment le Christ se laisse toucher par la foule et répond à ses diverses faims dans le passage de la multiplication des pains (Lc 9,11-25). Chacun était invité à ne pas parler en général des clochards dans la rue, mais de personnes précises qu’il rencontre au travail, sur son quartier, et par lesquelles il se laissait rejoindre, que leurs pauvretés soient financières ou non.

Au cours de la prière du soir à Bartrès, Marielle s’agite, tire son voisin par la manche lui tend son livret et montre avec insistance deux versets du texte du jour, l’obligeant à les lire :

–     « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite. »

–     « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera. Et quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? « 

Qu’avait-elle compris ? Etait-ce seulement une manière d’être présente au groupe en pointant des versets au hasard ?

Mercredi, nous avons été de Bartrès à Lourdes et nous sommes arrivés à midi au lieu d’accueil du Secours Catholique, à la Cité St Pierre. Ce jour-là, nous avons partagé sur nos propres pauvretés, et nous avons médité le début de la passion de Jésus : comment Pierre dort à Gethsémani, comment il renie Jésus. Nous avons aussi vu le film « Bernadette ». Le soir, nous avons participé à la procession aux flambeaux.

Jeudi matin, nous sommes restés à la Cité Saint Pierre, le thème du jour était : « Le regard miséricordieux du Christ ». Nous avons lu et médité l’apparition de Jésus sur le bord du lac dans St Jean : la pêche miraculeuse, la triple question du Christ à Pierre (m’aimes-tu), l’appel à le suivre. Sans que personne ne l’aide ou n’ai commenté avant, Marielle souligne trois phrases qui résument le chemin du disciple :

  • La phrase de Jean aux autres apôtres :

–     « C’est le Seigneur ! »

  • La réponse de Pierre à Jésus :

–     « Oui, Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aimes. »

  • L’appel du Christ à Pierre :

–     « Suis-moi ! »

Chacun a été invité à recevoir le sacrement de réconciliation au cours de la matinée. La joie qui rayonnait sur son visage ne relève pas du secret, tous l’ont vu. Gilles, qui avait été chargé de veiller plus sur Marielle, a alors dit : « Je crois que Jésus a visité Marielle ce matin. » Jusqu’à la fin de la marche, elle n’aura de cesse que de communiquer avec chacun, de laisser éclater sa joie, de « nous mettre en boite ». Quand un de nous a glissé en poussant le fauteuil de Nadège, elle le regarde et, dans un éclat de rire, elle lui fait signe avec la main en rotation sur le bout de son nez qu’il a trop bu.

L’après-midi, nous avons été faire le chemin de croix et chacun a été invité à remettre sa vie au Christ, devant la grotte.

Le soir, nous écrivons des cartes postales. Marielle a demandé à quelqu’un de tracer des lignes sur une carte, y a inscrit des mots pour sa maman, sans pouvoir faire de vraies phrases et nous a demandé de signer nous aussi avant qu’elle n’envoie la carte.

Vendredi, le thème était l’envoi en mission avec la méditation du début des Actes des Apôtres. Lors du partage en grand groupe chacun a dit avec quoi il repartait. Marielle a sorti un bout de papier sur lequel elle avait griffonné quelques mots en tirant de nouveau son voisin par la manche pour qu’il lise :

–     « Je suis heureuse[4] avec vous. Je prie pour vous et avec vous ».

L’après-midi, une partie du groupe a visité des lieux où Bernadette avait vécu. D’autres ont choisi d’entrer dans la démarche du bain que nous n’avions pas pu vivre la veille. Sur le livret remis à chacun, nous avions noté :

  • Sens d’un possible bain :
  • Entrer dans le chemin des pauvres,
  • Par ce geste, manifester notre décision d’être inondé de l’amour du Christ pour tous nos frères, dans toute notre vie,
  • Laisser Jésus nous faire renaître et guérir tout ce qui est blessure en nous. Remettre toute notre vie à Dieu.

Il y aurait beaucoup à dire de ce que nous avons vécu là pour ceux qui ont fait cette démarche : se retrouver d’abord au milieu de pauvres, puis nu et pauvre soi-même, travaillé par l’amour du Christ qui « peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer » (Ephésiens 3,20)

A l’Eucharistie finale du vendredi soir, chacun a été invité à écrire une prière qu’il puisse partager aux autres. Vous en trouverez des expressions ci-après, autre manière de vous partager les merveilles de Dieu et de confier à votre prière tous ces jeunes.

Dans ce récit, nous avons repris surtout le chemin de Marielle, parce que, à travers elle, le Christ n’est pas « passé seulement dans son cœur », pour reprendre les mots de Gilles : il est passé dans nos cœurs à tous et nous restons très bousculés.

Il y aurait plein d’autres perles à partager et qui font que deux gars et deux filles ont décidé de prendre contact avec le service des vocations de leur diocèse pour être aidés à discerner l’appel du Christ. Il faudrait parler aussi de la joie de Gérald de se découvrir capable de proclamer l’Evangile devant tous au cours de la prière alors qu’il détestait lire. Il faudrait évoquer le chemin d’Olivier réfléchissant comment devenir plus autonome et répondre aussi à l’appel du Christ. Il faudrait évoquer le chemin de chacun.

Dans la chapelle des sœurs âgées du Prado, rue du Père Chevrier, les sœurs ont mis un panneau sur le mur sur lequel elles ont tracé un chemin. Comme l’an dernier, au fur et à mesure des inscriptions des jeunes, elles ont posé une étoile en inscrivant le prénom du jeune. Cette année, elles ont aussi ajouté des « étoiles rouges d’Esprit Saint » : « vous en aurez bien besoin ». C’était leur manière de s’associer à la marche. Bien d’autres nous ont portés dans leur prière, d’autres ont fait des dons pour permettre à des jeunes aux finances très limitées de partager : nous ne vous avons pas oubliés chacun dans notre prière à Lourdes. Le budget est sorti équilibré.

L’an prochain nous repartons… Direction Taizé du 21 au 28 août…

Bien sûr, l’an prochain, nous repartons : à partir de Belleville, direction Taizé, ce haut lieu de rencontre des jeunes, en passant par Cluny, le Carmel de la paix à Mazille. Nous ne serons en mesure d’accueillir les jeunes de 18 à 35 ans qui portent des handicaps visibles que si chacun a à cœur d’inviter aussi des jeunes n’en ayant pas et désireux, non pas de s’occuper de jeunes ayant un handicap, mais de se mettre avec eux devant l’appel du Christ, de se laisser rejoindre dans ses propres pauvretés. Nous rêvons qu’un jeune couple viendra avec nous se mettre devant l’appel de Dieu et témoigner par sa présence du mariage comme une autre manière de répondre à l’appel du Christ et de « ne rien préférer à l’amour de Dieu ».

Pierre Boisnard, Elisabeth Friess
Bruno Cadart, Geneviève Jaouen

[1]      Cf. numéro 172 de « Quelqu’un Parmi Nous » p. 61 à 76

[2]      Il était difficile de ne pas avoir dans le cœur la rencontre de la Cananéenne (Mt 15,22-28)

[3]      Elle ne s’est jamais éloigné du groupe ni pendant les repas, ni pendant les temps de partage ou de prière en groupe.

[4]      Elle reprenait le mot même de l’objectif que nous nous étions fixé et qu’elle n’avait pas entendu selon toute vraisemblance. Elle disait un fruit de l’Esprit : la joie.

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